Deux remarquables expositions à Berne

Beaux-arts • Une expo sur Meret Oppenheim au Musée des Beaux-Arts et une autre sur les samouraïs invitent à passer par Berne.

«Ma gouvernante -my nurse- mein Kindermädchen», 1936/1967 de Meret Oppenheim. (Moderna Museet, Stockholm)

En pénétrant dans cette exposition, les visiteurs entreront dans l’univers du Surréalisme. Celui-ci se voulait «dictée de la pensée, en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale.» (Manifeste du Surréalisme, 1924). Il accorde une grande place au subconscient, et s’inspire des théories de Sigmund Freud. Le Surréalisme a marqué la littérature (André Breton, Louis Aragon), la peinture (Delvaux, Magritte, Salvador Dali, Max Ernst) et le cinéma (Luis Buñuel).

Meret Oppenheim est née en 1913 à Berlin. Entre 1932 et 1934, elle fait plusieurs séjours à Paris, où elle se lie au groupe des Surréalistes autour d’André Breton. En 1937, du fait de son patronyme juif, elle doit quitter l’Allemagne nazie et s’installe à Berne. Elle connaîtra un grand succès. Meret Oppenheim est décédée en 1985.

Féministe engagée, elle n’a pas voulu d’enfant. Un dessin de 1931, Votivbild, montre une femme tenant dans ses bras un bébé dont elle a tranché la gorge… Plusieurs de ses œuvres sont marquées par un certain goût du macabre, comme ces pendus dans Meurtre dans la forêt. Meret Oppenheim s’est constamment renouvelée, ce qui rend sa démarche artistique passionnante. Elle a peint des huiles qui sont de belles compositions de formes très simples. On lui doit aussi des tableaux plus réalistes, comme Poivrons dans l’eau. Elle se rapproche de Giorgio de Chirico par son intérêt pour les éléments architecturaux. Particulièrement empreinte d’esprit surréaliste est la peinture intitulée Daphnis et Chloé, où les personnages humains ont des pieds-racines et des visages remplacés par des branches d’arbre. L’artiste a réalisé aussi des objets tout à fait étonnants, comme Ma gouvernante, un poulet sur un plat fait de chaussures féminines à hauts talons, «pattes» en l’air! Il se dégage de toute son œuvre une grande poésie. Et en sortant du Musée des Beaux-Arts, on tombe sur une fontaine monumentale à la surface couverte de mousse réalisée par Meret Oppenheim.

Les samouraïs au Musée historique

Nous voilà ici dans un univers tout à fait différent. Dès le 12e siècle au Japon s’affirme la domination de la noblesse d’épée. L’empereur ne détient qu’un pouvoir symbolique. Le véritable pouvoir est aux mains des shoguns, seigneurs de guerre qui engagent des samouraïs à leur service. L’exposition débute par des extraits de films, notamment d’Akira Kurosawa, où l’on voit que ceux-ci sont devenus un véritable mythe, jusqu’aux mangas actuels. Puis est présenté un remarquable ensemble de mannequins, certains à cheval, revêtus de cuirasses richement décorées de motifs symboliques, très bien expliqués par de courts textes accompagnant les objets. Ces pièces uniques proviennent de la collection Ann & Gabriel Barbier-Mueller (Dallas, Etats-Unis). Parmi celles-ci, des casques, tous différents les uns des autres, et des sabres, qui étaient la propriété la plus importante du samouraï, avec la lance et l’arc. Une vidéo explique les techniques de fabrication d’une arme. De grands paravents sont illustrés par des représentations de batailles. En 1543, les Portugais introduisent au Japon les armes à feu, qui vont changer la donne et contribuer au déclin de ces guerriers.

Sur un fond sonore de musique japonaise, l’exposition s’attache aussi aux rites, aux croyances religieuses (le bouddhisme zen, le shintoïsme impérial) et au code d’honneur des samouraïs.
Mais en 1868 commence l’ère Meiji, du nom de Meiji-Hito, qui rétablit le pouvoir de l’empereur et crée le Japon moderne. Il constitue notamment une armée équipée à l’occidentale qui, en 1905 à la bataille navale de Tsushima, humiliera la Russie tsariste en envoyant sa flotte par le fond… C’en est fini de la période de gloire des samouraïs, dont certains vont sombrer dans la misère et l’alcoolisme, tandis que d’autres sauront trouver à s’employer ailleurs, notamment dans l’enseignement.

Cette exposition passionnante, superbe par les objets qu’elle présente, nous permet donc aussi de pénétrer dans l’âme japonaise, où par exemple les fleurs de cerisiers, qui s’épanouissent pendant une période très courte, symbolisent la brièveté de la vie. Au Japon s’unissent le beau et l’éphémère…

«Meret Oppenheim. Mon exposition», Berne, Musée des Beaux-Arts, Hodlerstrasse 8-12, jusqu’au 13 février 2022.
«Le mythe du samouraï», Musée d’Histoire de Berne, Helvetiaplatz 5, jusqu’au 5 juin 2022.