Les ravages d’Amazon en terre polonaise

Pologne • Le syndicat Inicjatywa Pracownicza dénonce les conditions de travail chez Amazon. Et demande la réintégration de sa représentante syndicale Magda Malinowska, injustement licenciée.

Magda Malinowska,, représentante syndicale injustement licenciée. (DR)

Implantée dans le pays depuis 2014 et comptant environ 17’000 salariés, dont plus de la moitié est précaire et réparti dans 11 entrepôts, Amazon Pologne a notifié le 9 novembre dernier un licenciement à Magda Malinowska. Qui a travaillé pendant 6 ans dans son entrepôt de Sady, près de Poznan. Représentante syndicale d’Inicjatywa Pracownicza («Initiative des employés»), inspectrice de santé et de sécurité élue, elle est aussi cofondatrice d’Amazon Workers International, coalition transfrontalière de travailleurs d’Amazon de différents pays, dont l’Allemagne, la Pologne, l’Italie, l’Espagne, la France et les Etats-Unis.

Documenter les abus

Motif du licenciement selon Amazon? Avoir pris des photos et des vidéos du cadavre de son collègue, Dariusz Dziamski, 49 ans, décédé sur le même lieu de travail le 6 septembre dernier. La mort de cet homme est le deuxième décès survenu dans l’entrepôt d’Amazon de cette ville ces dernières années. En mai 2020, une femme de 40 ans est décédée. Pour Inicjatywa Pracownicza, «l’allégation contre la syndicaliste est totalement infondée. En tant qu’inspectrice de la santé et de la sécurité, Magda Malinowska s’est simplement inquiétée des mesures prises après la mort de son collègue», estime-t-il dans un communiqué.

Quelques jours après la tragédie, la syndicaliste accordait une interview au journal Gazeta Wyborcza et pointait l’organisation du travail chez Amazon, où les journées de travail peuvent atteindre les 14 heures. «Dans le cas de Dariusz, celui-ci faisait un travail de magasinier, déambulant de 10 à 25 kms par jour. Il ramassait des cartons toute la journée et les transportait d’un endroit à l’autre. Avant sa mort, selon son collègue, il a demandé à plusieurs reprises à la direction de son centre de le déplacer vers des tâches moins exigeantes, en vain», a expliqué Magda Malinowska au journal El Salto.

Syndicat entravé

Mais ces griefs ne sont les seules. «Amazon a refusé d’autoriser les syndicalistes à effectuer des audits de santé et de sécurité, elle les a empêchés d’utiliser leurs heures syndicales et a modifié unilatéralement les dispositions du règlement du travail de l’entreprise, sans tenir compte de l’avis des deux organisations actives dans l’entreprise, Inicjatywa Pracownicza et Solidarność, qui n’ont ni l’une ni l’autre accepté les récents changements affectant les travailleurs. En vertu du droit du travail polonais, les employeurs ne sont pas autorisés à modifier ces règlements sans l’accord des syndicats», accuse encore le syndicat.

Entre 2014 et 2018, 18 inspections du travail ont eu lieu à Sady, permettant de constater plusieurs centaines d’irrégularités allant du manque de formation en matière de santé et de sécurité au travail au sous-paiement des salaires ou des heures supplémentaires. 26 infractions avaient été reconnues pour lesquelles 12 amendes ont été infligées à Amazon d’un montant total de 18’000 zlotis, soit moins de 4000 euros. Un montant dérisoire pour une entreprise comme le géant américain.
Pour l’heure, Inicjatywa Pracownicza exige la réintégration de Magda Malinowska et la fin de la campagne antisyndicale d’Amazon.

Amazon n’aime pas la critique en France

Pour un mail où il a écrit: «Il faut être lucide, plus le chèque est gros, plus la part d’humanité est petite», Jérémy Paglia, salarié dans l’entrepôt de Saint-Priest (métropole de Lyon) du géant étasunien, a été licencié en mai 2021, rapporte L’Humanité. Ironie glaçante de l’histoire: l’agent de tri avait été classé comme salarié le plus productif de France par Amazon en 2020. L’intimidation comme technique de management? Au mois de mois de décembre, un syndicaliste SUD commerce et services de Saint-Priest, Steeve Ndong, a été enregistré «sans le consentement de l’auteur de paroles prononcées à titre privé» par les DRH de l’entreprise. Il vient de porter plainte auprès du procureur de la République de Lyon contre Amazon et ses pratiques. «Les licenciements abusifs existent aussi dans l’entrepôt. En sept-huit mois on a perdu une dizaine de collègues», estime le délégué sur le site rapportsdeforce.fr.

Cette semaine, Jérémy Paglia tentait d’obtenir en bureau de conciliation devant les prud’hommes de Lyon sa réintégration à son poste d’agent de tri. En l’absence de compromis trouvé auprès de cette instance, une prochaine audience de mise en état aura lieu le 29 août avant qu’une véritable date d’audience devant le conseil des prud’hommes ne soit fixée en vue d’un jugement.