Une réforme contestée

Genève • Comptant sur le soutien des syndicats SSP et SIT, les 24 formateur.trices consultant.es en promotion et éducation à la santé (FCEPS), qui traitent des questions de santé sociale et sexuelle dans les écoles, s'opposent à une refonte de leur statut.

«Que se passe-t-il quand un couple, qui ne s’aime pas, est obligé de se marier? Quelle est la meilleures position pour une première fois? Est-il normal de se masturber?». Telles sont quelques unes des questions – outre la lutte contre le (cyber)-harcèlement, les addictions, les infections sexuellement transmissibles (IST), l’identité de genre ou la notion de consentement dans une relation sexuelle auxquelles doivent répondre les 24 intervenant.es de la FCEPS, qui œuvrent dans les écoles dès la 4e primaire et jusqu’au collège ou dans les structures de formation professionnelle.

Flexibilité et empathie

«C’est un travail qui demande beaucoup de sensibilité, car chaque classe est nouvelle et différente, d’où la nécessité d’être vigilants et empathiques et de tenir compte de toutes les spécificités du développement psycho-affectif de l’élève», explique Raphaël, délégué syndical de la FCEPS. «Le sujet de la santé sexuelle est un thématique complexe, qui évolue constamment. Après la vague #MeToo, l’épisode du «tee-shirt de la honte», qui questionnait l’habillement des jeunes filles, et posait la question de savoir si la femme n’est qu’un simple objet sexuel ou les interrogations sur la transition sexuelle, thématique qu’on ne connaissait pas il y a quelques années, de nouvelles questions apparaissent constamment, impliquant une grande flexibilité du personnel», souligne Vanessa, autre déléguée de la FCEPS, qui rappelle que leur expertise requiert une formation avancée universitaire. Elle explique aussi que l’effectif de leur petit groupe de spécialistes n’a pas été renforcé, malgré une augmentation moyenne des effectifs scolaires de l’ordre de 1000 élèves par an depuis 2013.

Outre ce heures d’enseignement dans les écoles, les FCEPS travaillent comme consultant.es associé.es activement à la vie scolaire notamment pour leur expertise lors des projets d’école, mais aussi pour les rencontres régulières organisées au sein de la structure scolaire (Groupe santé, groupe égalité, groupe bien vivre…) autour de la vie de l’école et de son climat.

Une formation fragmentée

Fin 2021, le Département de l’instruction publique (DIP) et Service de Santé de l’enfance et de la jeunesse (SSEJ) ont décidé, sans consultation, d’augmenter les heures d’enseignement à l’école les faisant passer de 18 interventions à 28 hebdomadaires, mais aussi de fragmenter le métier, avec, d’un côté, des postes de maîtres spécialistes, qui auraient pour rôle principal de dispenser les cours et de l’autre, des chargé.es de formation et de projet, avec comme mission principale d’élaborer les cours. Problème: Il est prévu de consacrer 2,8 poste pour cette seconde charge pour tout le Canton. «Nous deviendrons les simples exécutant.es d’un programme élaboré par des personnes, qui n’auront plus d’expérience de terrain», déplore Raphaël.

«Nous estimons que les projets d’éducation et de promotion de la santé ne peuvent être dissociés de l’expertise de terrains que développent les spécialistes en santé sexuelle», renchérit l’association faitière de Suisse latine (ALECSS), qui s’inquiète de cette réforme, de même que le mouvement féministe du 14 juin, ou les associations de parents d’élèves.

«L’augmentation d’un tiers de cours par intervenant.e est inquiétant, car il s’agit d’un enseignement particulier et ponctuel (2 à 8 périodes par classe) qui demande aussi un investissement émotionnel», critique le collectif de la Grève féministe.

Au passage, le personnel de la FCEPS a été préavisé qu’il devrait, après licenciement qui pourrait survenir dès février, repostuler à cette fonction de maitre spécialiste et qu’il y perdrait au moins 2 classes de salaire, voire davantage.

«C’est un peu l’école d’André Chavanne, qui promouvait l’égalité de tous et l’intégration qu’on attaque. Le Département devrait se battre face à la droite pour défendre la nécessité d’une éducation sociale et sexuelle de qualité», explique Christian Dandrès, avocat des syndicats. La cheffe du département, Mme Anne-Emery Torracinta l’entendra-t-elle?

Le Département se veut rassurant

Porte-parole du département, Pierre-Antoine Preti relève que la question du temps de travail des FCPES a fait l’objet d’une recommandation de la Cour des comptes en 2014 et d’une autre du SAI (Service d’audit interne de l’Etat de Genève) en 2020. «Ces deux analyses mettaient en évidence la nécessité de re-questionner l’organisation du temps de travail des FCPES. Les besoins en matière d’éducation sexuelles et de promotion de la santé augmentant, le DIP a fait le choix de renforcer et réorganiser le service et répartir les tâches différemment pour optimiser la prestation», explique-t-il.

Et de poursuivre : «Ce changement permettra de renforcer la prestation aux élèves, en dispensant plus de cours, sur plus d’année et à tous les élèves y compris au sein de l’enseignement spécialisé», précise-t-il. «Les Maîtres spécialistes (MS) en santé sexuelle bénéficieront de 50% de leur temps (env. 900 dédiées à l’enseignement) et le 50% restant permettra entre autres, d’adapter le contenu de leurs leçons au contexte de la classe, le travail de réseau avec les familles et le personnel des écoles. Au final, leur temps de travail total ne change pas (1800 heures annuelles), mais ils et elles enseigneront plus et feront moins d’administratif. Le modèle, avec un petit nombre personne qui travaillent davantage sur des projets et de la formation d’adulte, existe déjà au DIP et a fait ses preuves», insiste-t-il.

Et de se vouloir rassurant: «Aucun poste de travail ne sera supprimé. Chaque collaborateur.trice actuellement en poste aura la possibilité de formuler un vœu d’affectation à l’une ou l’autre des deux nouvelles fonctions. Les salaires actuels sont garantis.» Pas sûr que toutes ces garde-fous suffisent à apaiser la contestation.

 

Une pétition pour le maintien des prestations de qualité en santé et en santé sexuelle dans les écoles genevoises a été lancée sur le site des syndicats SIT et SSP