La protection sociale ne relève pas de la charité

Neuchâtel • Philip Morris supprime ses subsides aux associations caritatives religieuses.

La nouvelle a fait l’effet d’une bombe : le plus gros contribuable du canton, Philip Morris International (PMI), ne versera plus l’impôt ecclésiastique. Pour rappel, celui-ci, facultatif dans le canton de Neuchâtel, permet aux associations d’entraides catholiques et protestantes de subvenir, entre autres, aux besoins des plus démunis.

Offusquée par cette décision de PMI, la conseillère nationale libérale et présidente de la Fédération catholique du canton, Sylvie Perrinjaquet, est montée au créneau en dénonçant la suppression de cette manne financière et ses répercussions sur les prestations d’entraide de l’Eglise. C’était oublier un peu vite sa participation au démantèlement social qu’a connu notre canton.

Ainsi, en diminuant l’aide matérielle des personnes à l’aide sociale ou les subsides d’assurance maladie pour les bas revenus, Sylvie Perrinjaquet, alors conseillère d’Etat, a participé, en 2006, au transfert des compétences de l’Etat sur des tiers et fragilisé par là même notre système de protection sociale. Devenue conseillère nationale, elle a réitéré l’exercice en votant oui à la révision de l’assurance chômage (LACI), qui propulsera un nombre conséquent de citoyens dans les filets de l’aide publique… et privé ! En réalité, toute libérale qu’elle est, Sylvie Perrinjaquet a toujours soutenu le transfert des responsabilités de l’Etat sur les individus et les milieux associatifs privés. Or, l’égalité et la protection sociale ne relèvent pas de la charité. C’est un droit.

La pauvreté croît dans le canton

Pour rappel, la constitution des sociétés modernes a reposé sur le passage progressif de l’assistanat privé (mécénat, bonnes œuvres…) à la protection sociale publique, susceptible de limiter l’arbitraire et d’assurer une plus juste répartition des richesses. Par son caractère universel, la protection sociale est donc de la responsabilité de tous.

Toute scandaleuse qu’elle soit, la décision de PMI répond à une logique néolibérale d’accumulation de profits, appuyée par ceux-là même qui aujourd’hui semble la condamner.

Bref, le travail quotidien sur le terrain des Eglises et des œuvres d’entraides, assumé le plus souvent par un personnel exceptionnel, est essentiel, afin de répondre ponctuellement aux défaillances du système. Toutefois, ces œuvres privés ne sauraient devenir la règle et se suppléer aux responsabilités de l’Etat.

A l’heure où une étude de l’Office fédéral de la statistique sur l’accroissement de la pauvreté en Suisse vient conforter celle de Caritas, il est grand temps de recentrer le débat et d’en faire plus que jamais un thème politique.