Studer a sournoisement lié la réforme de la fiscalité des entreprises à l’accueil de la petite enfance.
Le 3 avril prochain, les citoyennes et citoyens neuchâtelois devront se prononcer sur deux objets. Le premier veut réduire de 10 à 5% le taux d’impôt du bénéfice des entreprises et a été combattu par un référendum. Le second présente une initiative populaire demandant un nombre approprié de structures d’accueil de qualité pour la petite enfance. Il est accompagné d’un contre-projet.
La réforme de la fiscalité tient la vedette. S’agit-il d’une « opportunité économique » ou d’un « recul de l’idéal social » comme s’interrogeait le Club 44 de La Chaux-de-Fonds, en annonçant un débat à ce sujet ?
Joël Marchetti, journaliste à RSR qui conduisait les discussions, annonçait d’emblée que cette votation suscitait un intérêt dans toute la Suisse, voire en Europe. En effet, la réforme proposée par le Conseil d’Etat vise d’une part à rétablir une égalité entre les entreprises en matière d’impôt et d’autre part à baisser de manière uniforme leur taux d’imposition. Les citoyens seront donc confrontés à choisir entre une plus grande attractivité pour les entreprises et le maintien d’un taux d’imposition considéré comme plus social. Doit-on opter pour le pragmatisme plutôt que pour l’idéal ? Doit-on aller dans le sens du néo-libéralisme ou doit-on défendre le bien-être social ?
Pour en débattre, deux techniciens, Alain Schönenberger, professeur associé à l’Université de Neuchâtel et Dr en Sciences économiques, et Thierry Obrist, avocat spécialisé en droit suisse et international, se sont dits convaincus par le projet qui correspond, selon eux, à ce qui se fait actuellement ! Mais sans pouvoir assurer que les retombées financières attendues seront effectivement obtenues. Deux députés, Raymond Clottu (UDC) et Daniel Ziegler (POP), ont confronté leurs points de vue. Pour le premier, il s’agit de mettre un terme à « l’exode de contribuables qui quittent le canton » et pour le second, il s’agit de refuser cette loi pour en modérer les risques. Le député popiste ne refuse pas de trouver une réponse moins extrême pour ne pas prolonger les concurrences fiscales avec les cantons.
Le popiste a joué subtilement sa partition en rappelant que pour éviter la concurrence fiscale, c’est la loi fédérale qu’il s’agirait de modifier. Ce que ne veut en aucun cas le représentant de l’UDC.
Le choix se fera entre un projet à court terme dont les retours ne sont pas garantis et un nouveau recul de la collectivité publique face aux intérêts privés.
Que se passera-t-il si le projet échoue et n’est pas accepté dans les urnes ? La droite répond : une catastrophe, le canton a le dos au mur. Du côté des opposants à la loi, il ne fait aucun doute qu’il n’y aura pas de changement par rapport à la situation actuelle. Malheureusement personne n’a rappelé que ce n’est pas le canton qui a le dos au mur, mais la conception occidentale du développement économique qui provoque les mêmes dérives partout.
Le fait d’avoir voulu lier ce projet fiscal avec l’accueil de la petite enfance représente une habile tactique de Jean Studer. Plusieurs personnes, dont des juristes, estiment qu’il n’y a pas d’unité de la matière entre les deux projets. Ce sera la justice qui tranchera. Un recours a été déposé contre ce mariage de la carpe et du lapin.
Mais le Conseil d’Etat continue ses grandes manœuvres. A moins d’un mois de la votation, il met en consultation une révision de la fiscalité des personnes physiques.
Pour le gouvernement, il s’agit d’un véritable projet de société ! La réforme vise en particulier les femmes, les familles et les classes moyennes. Le projet propose d’introduire la déduction totale des frais de garde, l’augmentation des déductions pour enfants, l’abaissement de la valeur locative de 0,5% et de lisser (sic) le barème en ramenant le taux maximal de 14,5 à 13,5%. Ces mesures entraînent une diminution des recettes fiscales de 104,3 millions de francs pour l’Etat et de 52,5 millions pour les communes et seront introduites de manière échelonnée sur cinq ans, à partir de 2013.
La conclusion représente bien un véritable coup du lapin, puisque le Conseil d’Etat lie cette proposition à l’acceptation de la loi fiscale sur les entreprises, sans quoi, il retirera son projet. On pourrait aussi parler de chantage.
Bref, le Conseil d’Etat demande aux citoyens d’accorder une baisse fiscale aux entreprises pour pouvoir poursuivre la mise en place d’une baisse de la fiscalité générale. D’un côté, il y a un acquis, de l’autre une promesse. On n’ose pas imaginer ce qui se passera si les rentrées fiscales attendues par la baisse fiscale des personnes morales ne se concrétisent pas alors qu’on aura un manque à gagner du fait de la baisse fiscale des personnes physiques ! Mais comme le dit le bon sens, demain on rase gratis !