Quelle collaboration internationale pour le PST-POP ?

Congrès du Parti suisse du Travail - POP • A Zurich, les délégués décideront s'ils continuent à travailler avec le Parti de la Gauche européenne.

A Zurich, les délégués décideront s’ils continuent à travailler avec le Parti de la Gauche européenne.

Faut-il que le PST-POP reste à l’intérieur du Parti de la Gauche européenne (PGE) ou non ? Telle est la question qui sera débattue à Zurich lors du Congrès du parti le 14 et 15 mai prochain. Petit rappel des faits : juste avant le troisième Congrès du PGE qui s’est tenu à Paris les 3 et 5 décembres derniers, le Parti communiste grec (KKE) s’était adressé aux autres partis communistes européens pour justifier son refus d’adhérer au PGE qui regroupe 27 membres (dont les plus connus sont le PCF, Die Linke, les Espagnols du PCE ou les Italiens de la Rifondazione comunista) et 11 membres observateurs. Dans son texte, les communistes grecs dénonçaient le PGE « qui rejette tout ce qui est communiste, les traditions révolutionnaires » : « Il est hostile au socialisme scientifique, à la lutte de classes et à la révolution socialiste », expliquaient-ils. Plus grave encore, le PGE ne ferait rien contre l’UE en tant qu’institution et légitimerait son existence, empêchant ainsi l’émergence d’une Europe des peuples et des travailleurs. « Il accepte, dans le cadre institutionnel de l’UE, que l’UE capitaliste soit éternelle. Une condition fondamentale de son existence est le fait qu’il accepte de ne pas remettre en cause le cadre de l’Union européenne », précisaient les communistes grecs.
Sur cette base, la conclusion coulait naturellement de source. « L’affaiblissement de ce parti de la « gauche » de l’UE, le renforcement de la coopération sur un pied d’égalité entre partis communistes et ouvriers en Europe sur la base du marxisme-léninisme et de l’internationalisme prolétarien, indépendamment des conditions et des limites fixées par l’UE, constitue le seul espoir pour le rassemblement du mouvement communiste européen et la seule réponse viable à l’agressivité du capital européen contre les droits des travailleurs », commentaient les Grecs.

Ces dernières années, il faut ajouter que ces partis communistes hostiles au PGE se sont rencontrés à plusieurs reprises dans le cadre de Rencontres internationales des partis communistes et ouvriers. La dernière en date s’étant déroulée en décembre 2010 en Afrique du Sud.

Ne pas se soumettre à l’UE

La salve de critiques a rapidement été relayée en Suisse par un « Appel aux communistes du PST », signé par plus de 30 membres du Parti, dont Cyrille Baumann, Leonardo Schmid, membres du comité directeur du PST, Beat Wyss, membre du comité central, ou Massimiliano Ay, secrétaire de la section tessinoise du parti. Ceux-ci jugeaient qu’il n’y avait « plus aucun espoir dans la gauche européenne » et qu’il valait mieux en sortir « pour unir les communistes ». « Le PGE est intimement lié à l’UE. Les propositions de changement radical lancées par le PGE, ne pourront pas être réalisées, tant qu’ il y aura soumission à l’Union Européenne », plaidaient les signataires. Ils exigeaient donc que le PST ne s’engage pas plus avant dans la construction de PGE. « Les priorités au niveau international devront plutôt tendre à développer des relations, en Europe et dans le monde, avec les partis communistes et ouvriers qui n’ont pas abandonné les principes fondamentaux du mouvement communiste international », réitéraient-ils.

Pour allier les faits à la parole, les signataires ont ainsi participé en 2010 à un Séminaire communiste international, hôtes du PTB (Parti du Travail de Belgique), rencontrant des militants du Parti communiste grec, des partis communistes brésiliens, péruviens ou libanais ou de l’AKEL (Parti progressiste des travailleurs) chypriote. « Ces partis ont une ligne politique claire, un réel impact au niveau territorial, mais surtout ils veulent entamer un parcours concret pour l’unification du mouvement communiste européen et international et non simplement de la gauche », jugeaient les signataires de l’Appel. Depuis, le projet de maintien ou non du PST-POP dans le PGE a plusieurs fois été discuté dans les instances du parti. Si la proposition a été approuvée par la majorité du Comité directeur, elle a été refusée par une majorité du Comité central. Une motion de la section de Berne visant à suspendre la participation du parti dans le PGE a aussi été déposée. Voilà pourquoi le thème se trouve à l’ordre du jour du Congrès de Zurich.

Une claire ligne de transformation sociale

Mais qu’en est-il des arguments des opposants au retrait ? Alexander Eniline, secrétaire cantonal du PdT, section qui s’oppose au retrait, estimait en décembre 2010 dans les colonnes de Gauchebdo que le PGE n’était pas anticommuniste « La majorité des partis membres du PGE sont même des partis communistes », soulignait-il. Il considérait aussi que le PGE était un vrai cadre pour mener les luttes en Europe ou ailleurs. « Nous avons pu voir que la donne est actuellement au tournant à gauche, vers la lutte. Mais pour pouvoir mener cette lutte, encore faut-il avoir le cadre pour cela, et non pas le briser sans rien proposer de concret en remplacement », soulignait-il, tout en précisant que l’on pouvait collaborer avec des partis membres du PGE, mais aussi avec ceux en dehors du Parti, sans exclusive. « Actuellement, des partis communistes d’Europe et d’ailleurs essayent de trouver des formes de regroupement autres que le PGE. Nous devons participer à ce mouvement de reconstruction international, mais cela ne nous oblige en rien de quitter le PGE », argumentait-il à la veille du troisième Congrès du PGE à Paris. Ancien conseiller national, Jean Spielmann considère lui aussi que le PGE est un pôle essentiel du rassemblement des formations qui s’opposent au capitalisme, de même qu’une vraie force d’opposition et de propositions en Europe. « Depuis 2004, le Parti de la gauche européenne (…) coordonne dans la lutte les actions des partis dans le respect de leur diversité. Depuis sa création en 2004, il existe des “sections nationales du PGE” acquises à l’idée qu’une “autre Europe sociale, écologique et solidaire” est possible. Le PGE a une ligne clairement de transformation sociale », écrit-il dans une contribution pour le Congrès.
Représentants de la majorité du Comité central, Norberto Crivelli, président du PST-POP et Jean-Pierre Kohler, secrétaire national, se sont eux aussi fendus d’un texte. Ils dénoncent d’abord la forme qu’a prise l’initiative de la Jeunesse communiste : « Faire un appel aux communistes dans le PST est peu respectueux de l’histoire et des traditions de notre parti, et laisse entendre que pas tout le monde peut être considéré comme communiste et que parmi les communistes il y a les mauvais et les bons communistes », critiquent-ils. Et de rappeler que le PST-POP a été un des partis fondateurs du PGE. « En 2004, une minorité du Comité central s’était prononcée pour être seulement membre observateur. Personne n’avait soutenu la non-participation », soulignent-ils dans leur prise de position. Ils défendent aussi l’action concrète du PGE sur le terrain. Dans son dernier Congrès à Paris, il a ainsi décidé de lancer une « Initiative citoyenne » avec la récolte d’un million de signatures pour la création d’un Fonds européen de développement social et de solidarité qui doit servir à offrir des prêts à taux très bas, voire nuls, pour des investissements publics et pour les peuples. Les deux responsables mettent en avant aussi l’impact qu’a le PGE ailleurs dans le monde. « Le PGE est une réalité, sûrement perfectible, mais présente sur l’échiquier européen et mondial. Les différents partis d’Amérique Latine, d’Afrique, du Moyen Orient et d’Asie l’ont clairement souligné au dernier Congrès. Ils comptent sur l’engagement du PGE à leur côté. Ils savent qu’il représente avec ces 38 partis nationaux une force amie en Europe. Ils savent qu’avec le groupe GUE/NGL (Gauche unitaire européenne/ Gauche verte nordique) au Parlement de Strasbourg, il représente l’unique opposition aux politiques néolibérales et impérialistes de l’UE », écrivent-ils. D’où leur avertissement : « Essayer d’affaiblir le PGE avec des arguments fallacieux pour vouloir renforcer l’union des vrais communistes est tout simplement ridicule. La preuve est que le PGE, en six ans, a élargi de beaucoup sa composition. Nombreux partis communistes et progressistes ont rejoint le PGE et d’autres partis comme AKEL, le DKP (Parti communiste allemand) ou le KSCM (Parti communiste tchéco-morave), tout en restant partis observateurs, continuent à participer aux réunions du Bureau exécutif et sont actifs avec de nombreuses propositions », explicitent encore les deux signataires. Au final ce sont des propositions plus que contrastées qui se retrouvent sur la table, ce qui devrait donner des débats très animés.

La campagne des Fédérales démarre

Le Congrès va aussi préparer l’échéance d’octobre.

Le Congrès du PST-POP sera aussi l’occasion de fourbir les armes électorales en vue du rendez-vous d’octobre. L’objectif affiché du parti est de réaliser une campagne commune nationale, qui donne aussi aux sections la possibilité d’ajouter des revendications spécifiques à la région. Parmi les objectifs affichés, on trouve celui de faire connaître le parti à l’ensemble de la Suisse, mais aussi de démontrer la différence entre une gauche radicale et conséquente et le camp rose-vert et gagner de nouveaux membres. L’idée de base est de mettre en avant différents thèmes et revendications avec comme objectif de montrer « le chemin vers le socialisme », comme le soulignait Pierre Jeanneret, militant vaudois et historien. Parmi les thèmes de campagne, il faut citer le droit au travail, à la santé et au logement ou à la culture, la préservation d’un environnement sain et de la sécurité sociale. « Le PST revendique la nationalisation immédiate de toutes les institutions sociales. Santé, rentes pour les handicapés physiques et mentaux et prévoyance vieillesse sont des demandes de l’ensemble de la société et ne peuvent pas être soumises aux diktats de l’économie de marché. Dans ces domaines, la concurrence n’a pas été et ne sera pas un succès. Il en va de même pour le service public. L’offre des pouvoirs publics doit être subordonnée au bien de la population en général et non à la logique du profit. C’est seulement ainsi que le service public peut assumer sa mission, dans le sens d’une contribution essentielle à la sécurité sociale pour tous », est-il écrit dans un document de travail. Le Parti veut aussi mettre l’économie au service de la société et en finir avec l’écart croissant entre riches et pauvres, en favorisant la redistribution. Il veut favoriser une démocratisation réelle de la Suisse, rappelant qu’il n’y a pas de participation et de contrôle démocratique dans les domaines de la police, de l’armée, de la politique étrangère ou de l’économie.

Il entend aussi lutter contre le racisme et promouvoir une solidarité internationale. « Nous voulons une Suisse active, qui s’oppose à la puissance des marchés financiers et des multinationales. Nous avons besoin d’une Suisse, qui soit solidaire des pays pauvres et lutte vraiment contre leur exploitation », revendique un autre texte de travail, soumis au Congrès.

Un budget de campagne serré

Avec un budget de campagne très restreint (de l’ordre de 10’000 francs), la campagne sera axée sur la réalisation d’un tract, d’une brochure où seront présentés brièvement les thèmes de la campagne et les revendications correspondantes. Avec un slogan général : « Nous ne renoncerons pas ». Les objectifs et les valeurs fondamentales du parti seront aussi expliqués dans les trois journaux : Gauchebdo, Vorwärts et Inchiostro Rosso. Un groupe de campagne électorale devra être présenté au Congrès.