Le Grand Conseil examine la nouvelle Loi sur l’école (LEO).
Tout le monde est allé à l’école, tout le monde a un avis sur elle. Le plus souvent tranché, voire partisan. Selon le dernier sondage sur les intérêts des Romands, l’école et la formation viennent en deuxième position. Le débat de mardi au Grand Conseil en est l’illustration. Durant près de trois heures, les représentants de tous les bords politiques se sont relayés au micro. Un nouvel épisode du débat récurrent dans le canton sur l’école, sur ses objectifs et, au fond, sur les diverses visions de la société.
La droite est partagée, encline au soutien à l’initiative « Ecole 2010 », qui défend l’Ordre, la discipline et la sélection, fruit d’un mépris envers les enseignants. Mais nombre de députés de droite défendent le contre projet gouvernemental, qui était, à l’origine, progressiste, courageux et innovant (tronc commun, suppression des coûteux redoublements, cours à niveaux) et qui est devenu une modeste amélioration du système actuel (par exemple, deux filières au lieu de trois, donc suppression de la VSO, maîtrises de classes, etc), vu les coups assénés lors des consultations puis des retouches de la commission parlementaire, obnubilée par le souci de trouver un consensus.
LEO, du nom de la nouvelle loi, laissera-t-il croire au gouvernement que d’être précurseur conduit forcément, comme pour les premiers chrétiens, à se voir attribuer le plus gros lion ? C’est le peuple qui tranchera en définitive, de plus en pleine année électorale. Si le Parlement soutient la rétrograde initiative « Ecole 2010 », le contreprojet LEO sera mort et l’initiative seule sera soumise au peuple. Ce n’est ni souhaitable, ni probable. Si le contre projet LEO n’est pas accepté, ce sera la même chose. En revanche, une victoire de LEO permettra un vrai choix aux votants.
Les points de discorde
Les volte-face sont l’une des spécialités de l’UDC qui tient à cette réputation : en commission, les trois députés UDC se sont abstenus sur LEO et ont refusé l’initiative « Ecole 2010 ». Et les voilà, les mêmes, qui fustigent avec vigueur « LEO », considéré comme « boiteux », au point de produire un rapport de minorité : ils viennent de recevoir la révélation des avantages de l’initiative « Ecole 2010 » et la soutiennent avec conviction. Nul doute que leur vote en commission leur avait valu une brossée de leurs collègues de parti.
Du côté des Verts libéraux, dont le héraut a voté comme la majorité en commission, c’est assez pareil : il n’y a pas de mots assez durs et méprisants envers Jean Piaget, considéré par eux comme le monstre qui serait à l’origine du « socio-constructivisme », leur cauchemar. Et de songer à réintroduire les trois filières comme aujourd’hui.
Les libéraux et les radicaux sont tiraillés, non pas seulement par leurs problèmes de futurs conjoints, mais aussi par la balance entre les anciens et les modernes.
A gauche, le PS offre un soutien sans faille à sa conseillère d’Etat. Les Verts proposent de refuser les notes introduites par la commission, avec des moyennes (!), en 3ème, c’est-à-dire dès la première année primaire. C’est aussi l’avis du POP/solidaritéS qui va plus loin en refusant les redoublements. Ceux-ci coûtent entre 30 et 50 millions. Le canton de Vaud est le champion toutes catégories dans notre pays des redoublements, sans qu’il ait jamais pris la peine de mesurer quels en sont les éventuels avantages. Ce coût annuel formidable pourrait permettre de proposer d’utiles et fructueux appuis plutôt qu’une stigmatisation néfaste d’élèves en difficultés. Pour le POP/solidaritéS, « l’école n’est pas l’atelier de réparation de la société mais elle doit lui permettre de faire des progrès. » Il s’opposera aux examens qui devraient compléter le certificat de fin d’étude, encore une vaudoiserie à laquelle les autres cantons ont renoncé depuis longtemps. Mais surtout, encouragé par la volte-face inopinée de l’UDC, il proposera le tronc commun qu’avait voulu dans un premier temps le Conseil d’Etat. Il s’est d’ores et déjà battu contre les termes « effort et travail », introduits par la majorité de la commission, dans les « buts et les moyens de l’école », comme si l’effort et le travail ne faisaient pas partie de l’école actuelle. Et d’ironiser : « Il ne manque plus que d’y ajouter « l’amour de la patrie », comme au temps de Vichy »…
Suite des débats mardi.