Cinquante ans de lutte pour les droits humains et pas une ride

Forte de plus de 3 millions de membres et de nombreux succès, Amnesty International fête son demi-siècle.

Forte de plus de 3 millions de membres et de nombreux succès, Amnesty International fête son demi-siècle.

Voilà un anniversaire que l’on préférerait ne pas avoir à commémorer… En effet, l’existence de cette admirable institution, devenue indispensable, est liée aux pires atteintes, sur toute la planète, aux droits de l’homme : emprisonnements arbitraires, torture, peine de mort.

Tout commence en 1961, lorsque des étudiants portugais, qui ont simplement trinqué à la liberté, sont condamnés à sept ans de prison sous le régime de Salazar. Bouleversé, l’avocat britannique Peter Benenson (1921-2005) publie dans The Observer un « Appeal for Amnesty », qui donnera son nom à l’organisation éponyme. Partie d’un simple bureau de bénévoles à Londres, elle a gagné en professionnalisme et en dimension, réunissant aujourd’hui environ 3,2 millions de membres, sympathisants et personnes engagées. La section suisse, elle, est née en 1964 : elle réunit 45’000 membres et 125’000 donateurs et donatrices. En 1977, l’attribution à Amnesty du Prix Nobel de la Paix lui confère une aura internationale. L’organisation a soutenu d’abord les prisonniers d’opinion, ceux qui n’ont ni usé de violence ni incité à la violence et à la haine. Puis elle a étendu son action aux prisonniers politiques (par exemple Nelson Mandela), pour lesquels elle demande la garantie d’un procès équitable et des conditions de détention « acceptables ». Amnesty agit sous diverses formes. Elle lance périodiquement ses « campagnes », dont plusieurs contre la torture et contre la peine de mort. Ce combat contre le « meurtre d’Etat » est au cœur de son action. Depuis la Déclaration de Stockholm de 1977 (opposition inconditionnelle à la peine capitale), la cause de l’abolition a fait de grands progrès dans le monde. Néanmoins, 23 pays ont procédé à des exécutions capitales en 2010 et la Chine exécute plus que tous les autres pays non abolitionnistes réunis. D’autres campagnes ont été organisées, par exemple contre les mines antipersonnel ou pour dénoncer les violences contre les femmes. Depuis 1961, Amnesty « adopte » des prisonniers d’opinion et invite ses sympathisants à envoyer au gouvernement concerné des lettres demandant leur libération. Grâce à cette pression sur les Etats, l’organisation a réussi à faire libérer des milliers de personnes. Parmi elles, Vaclav Havel, Aung San Suu Kyi, Luis Inacio da Silva et la militante écologiste kényane Wangari Maathai. Mais Amnesty lutte aussi… contre l’amnistie, celle des tortionnaires et gouvernants assassins comme Augusto Pinochet. Elle a joué un rôle dans la création de la Cour pénale internationale. Par ailleurs, elle a su utiliser des moyens modernes pour sensibiliser les gens, faisant notamment appel aux plus grands musiciens contemporains (Sting, Youssou N’Dour, Joan Baez, Ravi Shankar…) pour des méga-concerts au nom du slogan « Human Rights Now ! » Récemment, Amnesty a encore élargi le cadre de son activité en faveur des personnes en situation de pauvreté. Sait-on par exemple que toutes les nonante secondes une femme meurt dans le monde des suites de son accouchement ? On peut néanmoins légitimement s’interroger : au nom d’une acception toujours plus large des droits humains, Amnesty International ne risque-t-elle pas de diluer son action et de faire un peu oublier ses objectifs initiaux et fondamentaux : la lutte contre les arrestations et emprisonnements arbitraires, toutes les formes de torture et la peine de mort ? Le débat reste ouvert. Mais l’heure est aujourd’hui à la fête pour la liberté, aux côtés d’Amnesty et dans toute la Suisse romande de mai à juillet. Elle n’est pas près de s’éteindre, la bougie entourée de fil de fer barbelé, symbole de l’organisation de défense des droits de l’homme.


Infos sur les activités organisées en Suisse romande sur www.amnesty.ch/agenda