La vigie d’Hippocrate pour l’indépendance de l’OMS

Depuis quatre ans, des militants du Collectif pour l'indépendance de l'OMS manifestent quotidiennement devant le siège de l'organisation à Genève pour dénoncer sa collusion avec l'industrie nucléaire. Coordinateur de cette forme de protestation inédite, Paul Roullaud en explique la genèse et les raisons en lançant un appel à soutenir le collectif.

Depuis quatre ans, des militants du Collectif pour l’indépendance de l’OMS manifestent quotidiennement devant le siège de l’organisation à Genève pour dénoncer sa collusion avec l’industrie nucléaire. Coordinateur de cette forme de protestation inédite, Paul Roullaud en explique la genèse et les raisons en lançant un appel à soutenir le collectif.

Le 26 avril 2007 a été pour moi le début d’une longue aventure. Ce jour-là, qui marquait le début de la 22ème année de la catastrophe sanitaire de Tchernobyl, à 7h55, le bus 8 me débarquait devant l’impressionnant bâtiment de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à Genève. Quelques instants après, je m’y plantais face à l’entrée principale, portant sur le buste une pancarte qui affichait « Crime de Tchernobyl : OMS complice ». J’étais avec ma compagne et Wladimir Tchertkoff. Ils portaient également une pancarte qui dénonçait l’attitude de l’OMS face aux conséquences sanitaires de Tchernobyl.

L’OMS ne reconnaît qu’une cinquantaine de victimes de Tchernobyl !

C’est à la lecture du livre de Wladimir Tchertkoff, Le crime de Tchernobyl, que j’ai découvert le comportement de l’OMS en matière de radioprotection. Tant de faits de collusion, de complicité pour cacher les conséquences sanitaires de l’accident de Tchernobyl, m’a profondément touché, révolté. J’étais bien conscient avant cette lecture que l’industrie nucléaire était capable de tout, de la plus grosse dissimulation au plus gros mensonge, mais découvrir que l’OMS était pire encore a vraiment été un choc. Je dis pire, car le rôle de l’OMS est de porter secours aux populations. Et je découvrais là qu’elle abandonnait des populations pour porter secours à l’industrie nucléaire en sérieux mal d’image.

Avec Tchernobyl, il y avait un choix terrible à faire. Ou on prenait véritablement en charge les populations des territoires très contaminés, en les déplaçant en masse, en leur fournissant de la nourriture non contaminée et tout un ensemble de dispositions qui auraient montré l’étendue du désastre et qui aurait coûté très cher, ou bien on cachait un maximum de choses et l’accident devenait acceptable. Et il ne déclenchait pas un gigantesque mouvement de protestation, lequel aurait pu signer l’arrêt de mort de l’industrie nucléaire. C’est ce choix qui a été fait et l’OMS en est l’acteur déterminant, car, de tous les dangers qui menacent la santé, les gouvernants savent que c’est celui qui est ressenti le plus vivement par les populations. Alors, pour les rassurer, il faut faire parler les « blouses blanches ». L’industrie nucléaire s’est donc attaché les services du Grand Docteur, l’OMS. Son dernier bilan pour les décès provoqués par Tchernobyl est toujours d’une cinquantaine de victimes ! Une broutille. Mission accomplie, l’industrie nucléaire dispose du « Label Qualité » de l’OMS et ce n’est pas de l’improvisation.

Le 28 mai 1959, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et l’OMS ont signé un accord (WHA 12-40), qui est toujours en vigueur aujourd’hui et qui engage les deux parties. Il y est notamment écrit que « chaque fois que l’une des parties se propose d’entreprendre un programme dans un domaine qui présente ou peut présenter un intérêt majeur pour l’autre partie, la première consulte la seconde en vue de régler la question d’un commun accord », et que « l’AIEA et l’OMS reconnaissent qu’elles peuvent être appelées à prendre certaines mesures restrictives pour sauvegarder le caractère confidentiel de renseignements qui leur auront été fournis »…

Cela fait donc 52 ans que les choses sont bien calées et cela fait plus de 4 ans maintenant que tous les jours ouvrables, de 8h à 18h, une à trois personnes se relaient devant le siège de l’OMS pour dénoncer cet accord et le crime par non-assistance qu’il encadre. Plus de 300 personnes se sont relayées pour assurer cette manifestation silencieuse permanente. Elles sont très majoritairement françaises, moi-même, je suis de Bretagne. Une vingtaine de Suisses y participent.

Après quatre ans d’ignorance, la direction nous reçoit enfin

Nous nous sommes organisés au sein du « Collectif pour l’indépendance de l’OMS ». Quatre ans de manifestation donc sans rien voir bouger côté OMS. Puis c’est la terre qui a bougé et Fukushima a explosé. L’onde de choc a dû atteindre Genève car le 21 avril dernier, Denny Simonnet, venant de l’Ile de Noirmoutier et qui se trouvait en vigie, a eu la visite des numéros 2 et 3 de l’institution. Ils venaient nous dire que la Dr Margaret Chan, la directrice de l’OMS, tenait à nous rencontrer sans plus tarder. Après quatre années d’ignorance, le 4 mai dernier, nous avons donc été reçus par la direction de l’OMS que nous n’avons cessé d’accuser de crime. Et pourtant, la directrice s’est dit admirative de notre action et en accord avec l’ensemble de nos exigences hormis la révision de l’accord WHA 12-40 avec l’AIEA qu’elle considère nullement contraignant ! Nous n’avons donc rien obtenu de précis, mais nous constatons que l’OMS ne peut plus ignorer notre action, que la dénonciation quotidienne de sa politique l’embarrasse considérablement. Il nous faut absolument la maintenir tout en la renforçant de l’appui des scientifiques et des politiques.

Tenir donc. Nous sommes 300 dont une vingtaine de Suisses. Pour nombre d’entre nous, nous faisons de longs et coûteux déplacements plusieurs fois par an. Nous attendons du renfort helvétique et, en particulier, de celles et ceux qui veulent la sortie du nucléaire, donner quelques heures, une journée dans l’année pour que l’OMS ne délivre plus le Label Qualité à cette industrie, qu’elle dise un jour toutes les conséquences sanitaires, qu’elle décrédibilise complètement cette technologie aux yeux des populations et des politiques. Nous avons aussi organisé un réseau d’hébergeurs pour éviter de faire supporter, en plus, des frais d’hôtel aux vigies. Nous cherchons à renforcer ce réseau et donc toute personne qui peut ouvrir sa porte pour une ou plusieurs nuits est la bienvenue.


Pour s’inscrire en vigie ou comme hébergeur : 0033240876047 ou paul.roullaud(at)free.fr. Toutes les infos sur le site www.independentwho.info