Le « travail contraint » des tuteurs est-il compatible avec l’intérêt des pupilles pris en charge ?
Un jour, un courrier de la Justice de Paix peut vous informer que vous avez été « désigné candidat » tuteur. Refuser est quasi impossible. Devoir vendre une maison, débarrasser un appartement suite à l’entrée en EMS d’une retraitée, débrouiller des nœuds administratifs, prévoir des plans de désendettement, se coltiner les problèmes avec les caisses maladie et les services sociaux ou affronter les méandres des toxicomanies, certains y perdent leur latin et peuvent même se voir accusés ensuite de gestion négligente en cas d’erreur et devoir même le payer de leur poche.
Le canton de Vaud est celui qui, proportionnellement à son nombre d’habitants, a le plus grand nombre de tuteurs. Comme le relevait le Tribunal Cantonal en 2009, la plupart des EMS exigent que le futur résident soit sous tutelle avant de l’accepter et les services sociaux trop souvent débordés demandent des tutelles pour leurs « clients » difficiles. Ainsi quelque 8’000 Vaudois se sont vus attribuer une tutelle et l’exercent. Sans pouvoir savoir sur quels critères ils ont été désignés. La plupart d’entre eux, d’ailleurs, accomplissent cette tâche avec cœur et y trouvent une reconnaissance, un lien, une découverte d’un des pans de notre société. D’autres croulent sous la charge de ce travail supplémentaire et complexe.
Le canton de Vaud est le seul en Suisse à contraindre certains de ses habitants à devenir tuteurs, ou curateurs comme ils sont appelés dans le nouveau Code civil qui entrera en vigueur en 2013. Pétition, interpellations, motions, postulats voire même une initiative parlementaire popiste, rien n’y a fait. Le Conseil d’Etat tient à obliger les personnes désignées par un assesseur du Juge de Paix à assumer la tutelle d’une ou d’un concitoyen en difficulté. « Par solidarité civique » selon le Conseiller d’Etat Leuba.
En juin, le Grand Conseil a heureusement accepté quelques améliorations légales après des mois et des mois de tergiversations pour faire reconnaître cette situation kafkaïenne. Désormais, les cas lourds seront assumés par l’Office du tuteur général. Les tuteurs recevront une information et une aide, un modeste défraiement et ne devraient leur être confiés que les dossiers élagués des difficultés de départ. Mais qu’est-ce qu’un cas lourd ? Une situation simple peut péricliter. C’est certes un progrès. Comment sera-t-il concrétisé ? L’Office du tuteur général disposera-t-il du personnel nécessaire ? Les Justice de paix auront-elles les moyens des ambitions gouvernementales ? Les assesseurs cesseront-ils de faire des pressions angoissantes sur les futurs tuteurs ? Saura-t-on un jour comment sont choisis les tuteurs et qui assumera leurs éventuelles erreurs ?
Le projet entrera en vigueur en octobre ou au plus tard en janvier 2012. Comme on le voit, nombre de questions restent encore ouvertes. Supprimer l’obligation et faire une campagne de recrutement de volontaires et de bénévoles, cela aurait pourtant été à la fois plus simple et plus correct, pour les pupilles comme pour les tuteurs. Or, pour le Conseil d’Etat, rien ne vaut le travail gratuit des bénévoles qui permet de ne pas engager plus de personnel. Quant à l’intérêt et le respect des pupilles…
Le Groupe action tutelle peut être consulté sur www.actiontutelle.ch.