Et deux grèves de plus aux HUG, deux !

« On va bloquer cet hôpital ! » Après les transporteurs et les aides-soignantes, ce sont les employés du nettoyage et des laboratoires qui ont cessé le travail le 10 novembre aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG).

« On va bloquer cet hôpital ! » Après les transporteurs et les aides-soignantes, ce sont les employés du
nettoyage et des laboratoires qui ont cessé le travail le 10 novembre aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG).

« Les blouses blanches commencent à se mélanger aux blouses vertes, c’est bien mais n’allez quand même pas trop loin dans ce flirt », lance malicieusement Yves Mugny, secrétaire central du SSP dans son mégaphone. Ce jeudi 10 décembre, la double grève du personnel de nettoyage des HUG, reconnaissable par sa tenue aux couleurs d’espoir, et celle des techniciens en analyses biomédicales bat son plein. Sur le terre-plein en face des hôpitaux, à côté de la grande tente montée à la hâte où l’on prépare la soupe de midi en coupant des pommes de terre et des poireaux, la détermination est perceptible chez la double centaine de salariés qui arborent tous une casquette blanche, barrée du mot grève.

Le directeur Gruson hué

Les dernières nouvelles du front annoncent que Bernard Gruson, le directeur général des Hôpitaux était rouge de colère aux premières heures du mouvement. Tout le monde applaudit. Il n’en faut pas beaucoup pour que les moblisés entonnent leur hymne : « Grève, grève, tous ensemble : grève ! » Le directeur aurait fait appel à intérimaires pour assurer le nettoyage. On l’a vu aussi flanqué de Securitas, menaçant de faire appel à la police : bordée de huées des grévistes.
C’est après une double assemblée tenue en début de semaine que les nettoyeurs et les laborantins ont finalement décidé de débrayer. « Le vote a été large et majoritaire », souligne Yves Mugny. Dans les deux cas, les salariés exigent une revalorisation de leur statut ainsi qu’un renforcement des effectifs. Les nettoyeurs qui représentent 500 à 600 personnes, réparties sur plusieurs sites (HUG, Belle-Idée, Hôpital de Trois Chêne, Loëx) attendent depuis 1998 une réévaluation de leur échelle de traitement. Ils veulent l’amélioration d’une classe de leur statut. « On est en sous-effectif chronique. Il y a de plus en plus de chefs d’équipe et de moins en moins de nettoyeurs », confirme un salarié qui travaille depuis 16 ans aux HUG. Il explique qu’on a coupé récemment dans leurs annuités. Les laborantins, qui sont au nombre de 280, réclament eux aussi une revalorisation de leur fonction. Dans leur résolution du 20 octobre dernier, ils soulignent que les autres professions de santé comme les infirmiers, diététiciens ou ergothérapeutes avaient vu leur classe de fonction réévaluée depuis 2001. « Une demande de réévaluation des laborantins traîne dans les tiroirs des HUG depuis 2010 », dénoncent-ils. Ils craignent aussi que le projet BAT-LAB de regroupement de tous les laboratoires sur un même site n’entraîne une réduction des effectifs. « On va supprimer une vingtaine de postes », nous explique un laborantin. Une lettre pour porter les revendications de ces deux catégories de personnel a été envoyée à Bernard Gruson dès le 21 octobre. « Celui-ci n’a transmis aucune décision au personnel avant les doubles assemblées générales », regrette Yves Mugny. Les laborantins ont aussi écrit à David Hiler, président de la délégation du Conseil d’Etat aux ressources humaines. Tout comme l’avait fait le personnel des transports, qui a vu une amélioration de son sort après une grève le 6 octobre dernier. Dans sa réponse, le gouvernement explique que la direction des HUG est le premier interlocuteur des partenaires sociaux et qu’une réévaluation générale du personnel de la fonction publique est prévue dans le projet SCORE, qui devrait voir le jour… le 1er janvier 2013. Notre laborantin ne se fait pas trop d’illusion sur ce projet global, rappelant que le Conseil d’Etat cherche actuellement surtout à économiser.

« La grève durera jusqu’à ce que l’on soit entendu »

Une passe d’armes s’est aussi déroulée cette semaine sur la question du service minimum durant la grève. « A Genève, il n’existe pas de base légale pour restreindre ce droit garanti dans la Constitution fédérale depuis 2000. Un arrêté cantonal fait référence au service minimum, mais il n’est pas suffisant et laisse une marge de manœuvre colossale à la direction des HUG », estime le juriste et député socialiste Yves Dandrès. Au final, le personnel de nettoyage a décidé de se mettre en grève totale et sans restriction, alors que le personnel de laboratoires avait fait une liste de prestations à respecter. « Nous sommes soucieux de garantir les prestations vitales des patients », assurent en chœur Yves Mugny et un laborantin gréviste. Le secrétaire syndical en profite aussi pour dénoncer les menaces d’intimidation sur le personnel de la part de la hiérarchie : « Certains ont reçu des menaces de licenciement, de sanctions ou même de plaintes pénales. » Pour l’heure, cela n’entame en rien la détermination des grévistes. « La grève durera jusqu’à ce que l’on soit entendu », assure un gréviste des laboratoires. « On va bloquer cet hôpital ! », garantit aussi David Andenmatten, syndicaliste du SSP. « Il en va de la dignité et de la reconnaissance du travail de service public », note encore Paolo Gilardi, membre du comité national du SSP, en s’adressant aux grévistes. « Nous voulons la mise en place rapide d’une commission tripartite de négociations », précise Yves Mugny.

Les aides-soignantes négocient

De leur côté, les aides-soignantes qui s’étaient mises en grève depuis la mi-octobre ont décidé le 9 novembre de suspendre leur grève, après qu’une délégation syndicale a été reçue par les conseillers d’Etat David Hiler et Pierre-François Unger. Des négociations sont en cours. Le gouvernement propose la réévaluation d’une classe de fonction des aides-soignantes. Rappelons que le personnel réclame une revalorisation de trois rangs de leur statut, de la classe 7 à la classe 10. Les syndicats SSP et le SIT convoqueront le personnel le 14 novembre pour faire le point et décider de la suite à donner au mouvement, explique Corinne Béguelin du SSP.


Une manifestation de soutien aux grévistes se déroulera ce samedi 12 novembre. Elle partira des HUG à 13h30 pour passer dans les Rues- Basses et finir de 17h à 19h au Parc des Bastions avec un concert de L’affaire Tournesoul .