Les Indignés s’enracinent au parc des Bastions

Genève • A l’entrée du campement qui occupe un des recoins du Parc des Bastions, il est indiqué que tout le monde est le bienvenu, sur un portail de bois entre deux échancrures de pelouse. Comme chaque soir depuis le 15 octobre, ils sont là à 20 heures précises. Pour leur assemblée générale. Il fait un froid...

A l’entrée du campement qui occupe un des recoins du Parc des Bastions, il est indiqué que tout le monde est le bienvenu, sur un portail de bois entre deux échancrures de pelouse. Comme chaque soir depuis le 15 octobre, ils sont là à 20 heures précises. Pour leur assemblée générale. Il fait un froid de canard, mais c’est un chien qui vient nous saluer sous la grande tente – agora démocratique et autogérée – au centre de ce village improvisé de toiles, de plastiques et de bois récupérés. On grelotte dans ses grolles. Les participants se tassent lentement dans leurs sièges. Marcus se dévoue pour rédiger le procès-verbal. Ironie du jour : à un jet de pierres du campement, Francis Fukuyama, le théoricien de la fin de l’Histoire et de la victoire ultime de la démocratie libérale et du capitalisme donne une conférence à l’Université. Au menu des Indignés pour ce soir, pas de grands débats sur le dépassement du capitalisme ou la promotion d’alternatives globales à la folie de la spéculation banquière. De façon plus terre à terre, la trentaine d’Indignés doivent se prononcer sur la demande que leur a adressée Pierre Maudet, maire de Genève et accessoirement responsable des parcs et jardins. Celui-ci exige que soit fixée dans un formulaire et d’ici le 30 novembre la durée de leur occupation. Une forme d’ultimatum pour mieux les chasser comme à Zurich, craignent certains. La discussion s’engage, les tours de paroles sont répartis par Arkan, un jeune étudiant en relations internationales, responsable du groupe médias et qui assure la présence du mouvement sur Internet. « Avec cette demande, la Ville veut surtout que quelqu’un se désigne comme responsable, avec un numéro AVS pour mieux l’identifier », estime un Indigné qui a travaillé dans l’administration. Faut-il faire cette demande ou ne pas la faire ? Certains considèrent qu’il ne faut pas répondre à cette injonction. Quelle durée faut-il mettre sur le formulaire ? Quelqu’un propose de mettre 15 jours, avec un bail renouvelable. Tout en obtenant un engagement de la Ville qu’elle ne viendra pas, par la suite, demander des frais de location. Une autre personne – dreadlocks et lunette rondes – préférerait six mois, jusqu’aux beaux jours qui devraient voir l’affluence augmenter. Un autre participant propose de ne rien mettre. Ou de ne rien mettre, tout en contactant en même temps l’administration pour sentir la température. On secoue les mains en silence, façon de dire que l’on approuve ce que vient de dire l’intervenant. La solution est adoptée à la majorité.

Un des dilemmes des Indignés genevois, c’est qu’ils mènent une occupation illégale… autorisée par les autorités de la Ville, contrairement à Zurich ou à New York. Comment gérer cette tolérance municipale d’une ville de gauche sans être récupéré par le système, tout en ne se laissant pas brimer dans sa volonté d’organiser des actions de dénonciation anticapitaliste ? Après une heure et demie de débat, un participant finit par lancer : « Nous devons surtout proposer des changements, sinon nous n’avons de raisons d’être ». Tout le monde approuve, par un redoublement des passements de bras. Le 12 novembre dernier, les Indignés sont descendus dans le quartier des banques pour « nettoyer » les établissements financiers comme l’UBS, le Crédit Suisse ou la BNP-Paribas. Ils promettent de remettre cela.

Cuisine pour les grévistes des HUG

Certains comme Florin, qui se balade au guidon d’un étrange vélo à panneaux photovoltaïques, se sont trouvé une vocation : il fait la cuisine pour les grévistes des HUG tous les jours à midi avec une comparse de la région lyonnaise. Les Indignés ont aussi décidé de soutenir les travailleurs de la construction qui manifesteront le 25 novembre. Le jour suivant, ils prévoient d’organiser une mobilisation à la Place des Nations en appui à l’opposition égyptienne. « C’est aussi la Journée sans achat », renchérit Danièle. Les projets fourmillent pour ces successeurs en herbe du mouvement altermondialiste.


Infos sur www.occupygeneva.ch

(Photo Demir Sönmez)