Erudit et militant, Ismet Chérif Vanly a défendu toute sa vie la cause des Kurdes.

Le peuple kurde est en deuil. Une foule, en majorité des Kurdes d’Europe, mais aussi des personnalités de tout le Kurdistan, ont rendu hommage à l’écrivain, historien, homme d’action Ismet Chérif Vanly le 16 novembre dernier au cimetière de Bois de Vaux à Lausanne.

Ismet était « l’âme lausannoise des Kurdes », écrivait Alain Maillard dans L’Hebdo. Son engagement a pour origine un événement majeur : le fameux traité de Lausanne de 1923, qui fit des Kurdes un peuple opprimé, sans existence officielle, réduit au silence. Kurde né en Syrie, originaire du lac de Van, comme son nom l’indique, Ismet Chérif Vanly arrive en Suisse en 1948, fuyant le régime de Damas, où il avait étudié les sciences politiques. A Lausanne, il obtient licences en droit et en histoire, ainsi qu’un doctorat en sciences politiques. Il cherche sans répit à trouver une solution pacifique à la question kurde. Mais reconnaît que la lutte armée des Kurdes a permis de rappeler au monde le drame de son peuple. Représentant de la Société des étudiants kurdes en Europe (KSSE), il a aussi été, dès les années 70, le représentant du Parti démocratique du Kurdistan (PDK) de Mustafa Barzani, rencontrant le CICR et les agences de presse à l’ONU. Il dénonce la politique criminelle du régime baasiste. Victime d’une tentative d’assassinat en 1976, par les services secrets irakiens, il s’en sort miraculeusement.

Il dénonce aussi la persécution des Kurdes de Syrie, méconnue. Dès 1984, devenu président de la Ligue des juristes kurdes, il multiplie ses interventions. En 1995, il préside le premier Parlement kurde en exil, puis l’Institut kurde de Berlin. Et rencontre de hautes personnalités, dont le représentant du Chah d’Iran, puis Khomeiny, le Pape… !

Ismet Chérif Vanly a écrit divers ouvrages sur le Kurdistan ou le Moyen Orient. Au soir de sa vie, il a décidé de léguer sa bibliothèque à la Bibliothèque cantonale universitaire à Lausanne. Environ 3’500 ouvrages manuscrits, archives précieuses en diverses langues, vont constituer le « Fonds kurde Ismet Chérif Vanly » (AFKIV), créé à cette occasion.

Mais énumérer ses actions, ses écrits, ne donne qu’une idée incomplète de l’homme qu’était Ismet Chérif Vanly. Cet homme érudit, discret et généreux n’a jamais cherché une gloire personnelle. Impossible d’oublier son accueil chaleureux, son bonheur à recevoir des amis, avec son épouse Carmen. Une question posée, un manuscrit mis sous ses yeux, et il partait dans un discours imagé, enflammé. Que d’anecdotes parfois piquantes, de faits historiques nous ont été racontés lors de ces visites !

Comme l’a dit Amadou Hampaté Ba, « un vieillard qui meurt, c’est une bibliothèque qui brûle ». Voilà qui s’applique merveilleusement à Ismet Chérif Vanly.

Il nous a quittés à l’âge de 87 ans. A Carmen, à son fils Syamend, notre sincère sympathie.