Osons parler de spiritualité, autre que religieuse

Réflexion • Face à la crise du capitalisme, est-il permis d'imaginer un « homme nouveau » ?

Face à la crise du capitalisme, est-il permis d’imaginer un « homme nouveau » ?

Les crises du système capitaliste se succèdent, à intervalles plus ou moins réguliers ; les êtres humains et le milieu naturel en souffrent. Dans le monde entier, le nombre de fermetures d’entreprises et de délocalisations augmente chaque jour, entraînant des licenciements massifs, y compris dans notre pays. Conséquence du stress sur le lieu de travail, une lente dégradation de l’état de santé des travailleurs, avec des suicides de plus en plus fréquents, surtout chez les jeunes. Qui, par ailleurs, face à une absence d’avenir, se laissent entraîner dans les paradis artificiels de la drogue et de l’alcool.

Ainsi, alors que les progrès scientifiques et techniques pourraient assurer à tous une vie meilleure, l’incertitude de l’emploi, le manque d’avenir, l’incitation à l’individualisme et à la compétition dans tous les domaines créent l’angoisse et le désarroi dans la société.

En outre, toujours plus grande est l’indifférence des gens face aux églises : phénomène accéléré par le scandale de la pédophilie et des abus sexuels commis par des ecclésiastiques et le plus souvent couverts par leur hiérarchie et le Vatican. Faut-il dès lors s’étonner de voir resurgir des pratiques d’un autre âge comme l’exorcisme, des croyances en des forces surnaturelles, un engouement pour les sectes et les gourous. Face au vide, on s’accroche à n’importe quoi, on est prêt à suivre n’importe qui.

Le temps n’est pourtant pas au fatalisme. Ils sont de plus en plus nombreux, les hommes et les femmes, à s’interroger, à chercher une issue, une solution valable pour changer l’état de chose existant ; il est évident que le bienvenu manifeste Indignez vous ! du résistant Stéphane Hessel n’y suffira pas. Aujourd’hui, le monde des arts et des lettres, de la science, de la culture, de la pensée, les forces de progrès, la gauche, nous modestement, n’avons-nous rien à proposer à ces femmes, à ces hommes, déboussolés car en perte de repères, sans vision d’avenir, n’avons-nous pas un héritage à faire valoir, à amplifier ? Osons parler de spiritualité, autre que religieuse, celle de la connaissance, du savoir, celle de l’esprit et du besoin de solidarité. Ce serait contribuer, parallèlement à l’action, à l’engagement politique irremplaçable, à créer et à entretenir l’espoir en une vie meilleure, digne d’être vécue, ce qui de tout temps fut la quête originelle, permanente, de l’être humain. Est-il permis d’imaginer un homme nouveau apparaissant comme conséquence du développement continu de la capacité de l’être humain de satisfaire son besoin de connaître et d’affiner son esprit critique, un individu progressivement libéré, libre de penser par lui-même ?

Bringolf et « l’homme nouveau »

Dans Gauchebdo du 1er Mai, Alain Bringolf livrait quelques réflexions sur « l’homme nouveau » dont à l’époque les Soviétiques évoquaient la perspective parallèlement à la tentative d’édification d’une société socialiste en marche vers le communisme. « Force est de reconnaître, écrivait-il, que l’homme nouveau n’a pas été créé. » Les Soviétiques se sont donc fait des illusions et… nous avec. Un constat d’échec qui interpelle. Pourquoi l’URSS en a-t-elle avorté ? Partant de l’idée que ce n’est pas de volonté délibérée, que s’est-il alors passé ? A l’évidence, les conditions requises n’étaient pas réunies. Etait-il saugrenu à l’époque d’évoquer l’idée d’un homme nouveau ? Nullement, c’était tout à fait imaginable. Des ponts avaient été jetés, un esprit nouveau soufflait dans le pays, l’enthousiasme était communicatif, l’essor sans précédent de la culture permettait l’épanouissement permanent de la création artistique. La dynamique du moment, l’élan de tout un peuple ouvraient de réelles perspectives de profonds changements de la société et des modes de pensée des êtres humains.

Pourquoi tout s’est-il écroulé ? Dès après la Seconde Guerre mondiale, une erreur, lourde de conséquences, a été commise par les dirigeants du Parti à un certain moment du développement économique du pays. Obnubilée dans sa quête de rattraper, voire dépasser les USA, l’URSS s’est brûlé les ailes en brûlant les étapes, abandonnant dans le même temps l’homme nouveau sur le bord de la route. Dans un tout autre domaine, une erreur d’appréciation a certainement consisté à croire que cet homme apparaîtrait automatiquement, du seul fait de l’accroissement de la production de biens, de la mise en œuvre des nouvelles découvertes de la science et de la technique, de la démocratisation de la culture. On connaît la suite : le socialisme en construction s’est effondré, au point de disparaître. Mais ce douloureux constat doit-il nécessairement mettre un terme à la recherche d’une société différente et de son pendant indispensablement lié pour assurer sa pleine réussite, le concept d’un homme nouveau ?

Une lente germination

Alain Bringolf pose la question : « Pour parvenir à un changement de civilisation, ne serait-il pas nécessaire d’installer de nouvelles règles pour modifier le comportement humain ? » Cela demande réflexion, serait-ce suffisant, déterminant ? Est-ce empoigner le problème par le bon bout ? Après les expériences vécues, on voit mal cet homme être le produit de décisions volontaristes, administratives , bureaucratiques. Il ne va pas non plus se révéler au monde ébahi, un beau matin, par génération spontanée ! Cela dit, si on pense la chose toujours possible, il semble raisonnable d’imaginer un long et patient cheminement, une lente germination. Une évolution de la pensée humaine y présiderait, l’anticiperait.

Un homme nouveau ? Ce n’est certes pas demain la veille de son apparition. Une utopie de plus ? Voir !