Le Cassis de Dijon, une belle arnaque !

Souvenons-nous : en 2009, le référendum contre le Cassis de Dijon avait échoué de peu, avec 45’000 signatures récoltées sur les 50’000 nécessaires. Le référendum avait été lancé par le vigneron genevois Willy Cretegny. Le POP & Gauche en mouvement avait rapidement rejoint le comité, mais s’était trouvé assez isolé dans son opposition : à...

Souvenons-nous : en 2009, le référendum contre le Cassis de Dijon avait échoué de peu, avec 45’000 signatures récoltées sur les 50’000 nécessaires. Le référendum avait été lancé par le vigneron genevois Willy Cretegny. Le POP & Gauche en mouvement avait rapidement rejoint le comité, mais s’était trouvé assez isolé dans son opposition : à gauche, seuls les verts avaient soutenu le référendum. Le PS était en faveur du principe, tout comme la Fédération romande des consommateurs (FRC) qui menait une campagne ouvertement en faveur du Cassis de Dijon, provoquant la colère d’une partie de ses membres. Le non-engagement de l’Union suisse des paysans a également pesé lourd dans cet échec.

Deux ans plus tard, le constant est sans appel : le Cassis de Dijon n’est pas seulement un échec, c’est une arnaque pure et simple, une véritable attaque contre la paysannerie helvétique. Quant au consommateur, censé profiter du principe, il est perdant sur toute la ligne. Dans un excellent billet d’opinion publié dans Le Temps du 19 décembre, Jean-Luc Kissling, secrétaire de Prométerre, dresse un constant sans appel : « Le Cassis de Dijon est indigne de notre Etat de droit ». Il rappelle que ce texte a été introduit sous la pression des grands importateurs de produits alimentaires. Il indique ensuite que l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) n’a que deux mois pour statuer sur une demande d’importation d’une denrée : une fois cette autorisation obtenue, le produit peut être écoulé en Suisse (quel que soit le producteur), selon les normes du pays étranger. Pour reprendre l’expression de Jean-Luc Kissling, « l’OFSP autorise à toute bastringue ». Sans surprise, on trouve donc des produits de très mauvaise qualité sur nos étals, quand ils ne sont pas simplement dangereux : fromage à la maïzena ou sirops à l’eau sucrée dans les meilleures des cas, amandes ou pistaches à l’aflatoxine et riz aux pesticides pour les exemples les plus choquants !

La Migros fourgue du riz aux pesticides

Sur le plan politique, de fortes pressions s’exercent pour biffer les quelques rares obligations qui subsistent en matière d’importation. La Fédération des industries alimentaires (FIAL) fait d’ores et déjà pression pour que la mention du pays de production soit supprimée. D’autre part, le système de Cassis de Dijon aboutit à ce que les fabricants et revendeurs de denrées alimentaires s’établissent dans les pays européens ayant les normes les plus basses : ce nivellement par le bas de la qualité et de la sécurité de nos aliments est en cours, sous nos yeux. Ces produits, importés à bas prix, finissent sur les étals des grands distributeurs qui ne répercutent pour ainsi dire pas le prix sur les clients : pas étonnant que Coop et Migros possèdent les plus grandes marges d’Europe !

Cette situation scandaleuse commence à susciter des réactions, sur le plan politique et parlementaire, auprès des paysans, mais également chez des citoyens soucieux du bien commun. Le Lausannois Frank Paillard, qui s’était fait connaître par son opposition farouche au Cassis de Dijon en 2009, a décidé de saisir la justice dans l’affaire dit du « riz aux pesticides ». Pour rappel, la Migros a commercialisé 26 tonnes de riz d’Uruguay contenant quarante fois (!) plus de tébuconazole (mutagène et cancérigène) que ce qu’autorise la norme suisse. Le géant orange a simplement invoqué le Cassis de Dijon et la conformité du riz avec la législation européenne pour obtenir l’autorisation ; plus choquant encore, l’OFSP a accordé son feu vert ! (de sorte qu’on se demande si la procédure pénale ne devrait pas également concerner l’OFSP…)

Le Cassis de Dijon conduit donc à biffer tout simplement les normes que nous nous sommes choisies, au profit de normes européennes, choisies par d’autres… Outre les enjeux sanitaires, c’est un coup de canif porté contre notre souveraineté et nos institutions démocratiques.

La plainte pénale déposée contre Migros par Frank Paillard est une action courageuse, qui a le mérite de remettre sur la table le scandale du Cassis de Dijon. Qu’il soit assuré de notre soutien total.