La justice vaudoise osera-t-elle donner raison à Attac ?

procès • Le Nestlégate revient sur la scène judiciaire les 24 et 25 janvier à Lausanne. Militants d'Attac, les plaignants exigent que Nestlé et Securitas livrent les données récoltées lors de l'espionnage de l'organisation.

Le Nestlégate revient sur la scène judiciaire les 24 et 25 janvier à Lausanne. Militants d’Attac, les
plaignants exigent que Nestlé et Securitas livrent les données récoltées lors de l’espionnage de l’organisation.

C’est une session de rattrapage qui se déroulera la semaine prochaine devant le Tribunal civil à Lausanne. Dans le box des accusés, Nestlé et la société Securitas. Du côté des plaignants : l’association altermondialiste Attac. Celle-ci veut connaître les tenants et les aboutissants de l’espionnage qu’elle avait dû subir à partir de l’automne 2003 et jusqu’en 2008. A cette époque, celle qui se faisait appeler Sarah Meylan, une espionne appartenant au service « Investigation Services » de Securitas, avait infiltré l’association, comme l’avait révélé en 2008 un reportage de Temps présent. Assistant à des réunions de l’organisation, la taupe s’est procuré un accès à des informations confidentielles concernant aussi des personnes tierces et a rédigé des rapports détaillés sur la tenue des réunions et sur les personnes présentes à l’attention de la multinationale agroalimentaire.

LauAnimaliste infiltré

Une pratique finalement assez courante chez le géant veveysan puisqu’en 2008, un deuxième reportage, de l’émission Mise au point, avait révélé l’existence d’une deuxième infiltrée de Securitas, nommée Fanny Decreuze (alias Shanti Muller) dans le Groupe anti-répression de Lausanne (GAR) de 2002 à 2005. Celle-ci n’était rien d’autre que la supérieure de Sarah Meylan et avait aussi participé dès 2004 à la surveillance rapprochée de LausAnimaliste, association contre l’expérimentation animale.

« Le juge Antenen n’a pas fait son travail »

Quelques mois après la diffusion du Temps présent qui avait révélé l’affaire, Attac a découvert et dénoncé une autre agente de Securitas/Nestlé au juge d’instruction. Celle-ci participait toujours – sous son vrai nom Shinta – aux réunions d’attac-Vaud en 2008. « Shinta avait remplacé Sara après son départ », précise Béatrice Schmid, une des plaignantes. Suite à la découverte du pot aux roses, l’association avait déposé avec l’aide de l’avocat Jean-Michel Dolivo une plainte pénale et ouvert parallèlement une action au civil devant le tribunal d’arrondissement de Lausanne. La procédure pénale n’a pas abouti, débouchant sur un non-lieu en février 2009, confirmé en juillet 2009 après un recours des plaignants. « Le juge d’instruction Jacques Antenen, se fiant largement à l’argumentation de Nestlé et Securitas, a estimé que la seule infraction susceptible d’être poursuivie, à savoir une contravention à la Loi fédérale sur la protection des données (LPD), tombait sous le délai de prescription de trois ans », résume Attac-Vaud. Depuis le 1er janvier 2008, cette loi a d’ailleurs été modifiée, prévoyant notamment « l’obligation pour les personnes privées ou les organes fédéraux d’informer activement les personnes concernées lorsqu’ils collectent des données sensibles et des profils de personnalité à son sujet ». N’empêche, l’attitude du juge d’instruction a été critiquée et même durement. Alec Feuz qui a rédigé un livre intitulé Affaire classée. Attac, Securitas, Nestlé, paru en 2009, considérait que « le juge Antenen n’avait, avec la bénédiction critique du Canton de Vaud et du Tribunal d’accusation, pas fait son travail ». Le juge n’a fait non plus aucune perquisition dans les locaux des responsables de l’opération d’espionnage.

Cette prochaine semaine, la procédure civile aura enfin lieu. Attac accusant Nestlé et Securitas de violation des articles du code civil protégeant la personnalité contre toute atteinte illicite et violation de la LPD. On attend les témoignages des employées de Securitas, ainsi que les employés de Nestlé destinataires de ces rapports. Attac entend que les deux sociétés communiquent les résultats complets de leur surveillance et de leur récolte d’informations et que toute la lumière soit fait sur cette affaire. « Nous attendons du tribunal un jugement constatant le caractère illicite du traitement de nos données personnelles », souligne Béatrice Schmid.


A la veille du procès, Attac-Vaud organise une conférence-débat avec Susan George le 23 janvier à 20h au Buffet de la Garde de Lausanne. L’altermondialiste interviendra sur le thème « Leur crise, nos solutions ».

Réalisé par le journaliste suisse Res Gehriger, le documentaire Bottled Life. Nestlé ou la vérité sur le commerce de l’eau sera sur les écrans romands à partir du 25 janvier. Infos sur www.bottledlifefilm.com