Les intérêts économiques priment sur la santé et la démocratie

Philip Morris • Le Grand Conseil vaudois ne demandera pas à l'Assemblée fédérale que les produits dommageables à la santé soient exclus des accords de protection des investissements (APPI).

Le Grand Conseil vaudois ne demandera pas à
l’Assemblée fédérale que les produits dommageables à la santé soient exclus des accords de protection des investissements (APPI).

La multinationale Philip Morris, basée à Lausanne, a intenté un procès à l’Uruguay, estimant que ses intérêts économiques étaient menacés par une loi anti-tabac adoptée par le Parlement. Cette loi, contestée ainsi auprès du Tribunal arbitral de la Banque Mondiale, interdit la distinction « light » qu’arborent certains tabacs – et qui ne correspond guère à un allégement -. En outre, les Uruguayens exigent que chaque paquet de cigarettes contienne, sur 75% de sa surface, photos et messages sur la dangerosité du produit. Philip Morris y a vu une atteinte à sa liberté d’action commerciale.

Le député vaudois Bernard Borel s’est inquiété de ce litige peu banal et de ses possibles implications au niveau de la Suisse. En effet, la multinationale, qui avait quitté les Etats Unis pour s’installer en Suisse pour des raisons fiscales et économiques, invoque des accords bilatéraux de protection des investissements signés entre la Suisse et l’Uruguay en 1992 et 1993. Philip Morris veut faire prévaloir le droit international pour interdire des lois nationales uruguayennes qui protègent la santé de la population nationale. Le député vaudois a donc déposé une initiative invitant l’Assemblée fédérale à modifier les accords bilatéraux de protection des investissements (APPI) en y excluant les produits dommageables à la santé de la population « à la demande de l’une des parties signataires ».

Qu’adviendrait-il en Suisse si Philip Morris contestait les mesures anti-tabac prises par nos parlements ? Rappelons que la Cour suprême de l’Uruguay a ratifié la constitutionnalité des lois anti-tabac car Philip Morris qui y voyait une violation de la Constitution. Notons encore que la loi antitabac uruguayenne, prise à l’instigation de l’ancien président Tabaré Vasquez, médecin oncologue reconnu, a obtenu le soutien de la COP4, conférence des signataires de la convention cadre pour le contrôle du tabac (CMCT) de l’OMS dont le siège est à Genève.

La conseillère nationale socialiste Marina Carobbio avait interpellé le Conseil fédéral. Celui-ci a répondu que les intérêts économiques suisses ont la priorité et a refusé d’intervenir ou de se prononcer.

La commission du Grand Conseil vaudois ne l’avait pas entendu de cette oreille et avait proposé majoritairement de soutenir l’initiative Borel. C’était sans compter bien sûr sur les indéfectibles défenseurs des libertés économiques. Il y eut bien sûr de joyeux farfelus qui ont prédit de voir les éoliennes faisant partie « des produits néfastes à la santé ». Mais il y a eu surtout l’opposition des libéraux et de l’UDC, le haut-le-cœur du conseiller d’Etat Leuba à l’idée de proposer une modification d’un accord bilatéral et même l’opposition d’une partie des Verts, dont le municipal lausannois Jean-Yves Pidoux. Par 70 non, 24 oui et 26 courageuses abstentions, l’initiative a été refusée.