Porto Alegre, c’est bien mieux que Davos !

altermondialisme • Avec son douzième rendez-vous, le Forum social mondial, qui s'est tenu du 24 au 29 janvier au Brésil, reste le plus grand rendez-vous anticapitaliste du monde.

Avec son douzième rendez-vous, le Forum social mondial, qui s’est tenu du 24 au 29 janvier au Brésil, reste le plus grand rendez-vous anticapitaliste du monde.

Près de 40’000 participants à Porto Alegre ou dans les villes alentours, 20’000 à la marche d’ouverture, 670 activités menées de front, dont un Forum mondial sur l’éducation, sans compter la présence de la nouvelle présidente brésilienne Dilma Rousseff, qui présidera en juin la très importante Conférence de l’ONU sur le développement durable, 20 ans après celle de Rio. Au lendemain de la fermeture du Forum social mondial (FSM), le comité d’organisation tirait un bilan positif du grand rassemblement altermondialiste, qui avait pour thème « Crise capitaliste, justice sociale et environnementale ». Ce grand rassemblement a d’abord été celui de toutes les palabres et joutes verbales sur les thèmes les plus divers. Alors que les USA et l’Europe sont en crise, certains ont rappelé l’importance des changements politiques qui se produisaient en Amérique latine. « Sur ce continent, nous avons les luttes sociales les plus avancées, avec des gouvernements progressistes dans plusieurs pays, dont nombre d’entre eux émanent des mouvements sociaux. Nous sommes l’unique continent où l’on parle de socialisme, socialisme du XXIe siècle au Venezuela, socialisme communautaire en Bolivie ou socialisme citoyen en Equateur », a ainsi souligné le politologue portugais Bonaventura dos Santos.

Une campagne contre « l’économie verte » et un « sommet des peuples »

En prévision du sommet mondial de l’ONU de juin, les participants au FSM ont dénoncé les tentatives de créer un « capitalisme vert » comme échappatoire à la faillite du capitalisme financier. « Aujourd’hui, il existe une offensive démesurée du capital international pour s’approprier les matières premières comme la terre, l’eau ou le pétrole. Les multinationales savent que la nature offre un potentiel lucratif extraordinaire », a rappelé, dans un forum thématique sur le sujet, João Pedro Stédile, fondateur du Mouvement des sans terre (MST) et membre du syndicat international Via Campesina. « Cela va conduire à transformer la nature en simple marchandise et conduira à une privatisation du milieu naturel », a souligné le diplomate bolivien, Pablo Solón. Pour faire front, le FSM a proposé d’impulser une « campagne internationale contre l’économie verte ».

Pour sa part, l’Assemblée des mouvements sociaux – noyau dur du Forum – a appelé à une « mobilisation globale » partout dans le monde pour le 5 juin, journée internationale de l’environnement. Elle a aussi lancé le « sommet des peuples » qui réunira les grandes organisations sociales en marge de la Conférence de l’ONU, à partir du 15 juin à Rio. Dans sa déclaration finale, elle a aussi réitéré ses axes de lutte contre les multinationales, notamment minières, pour la justice climatique et la souveraineté alimentaire, pour l’élimination des violences contre les femmes, pour la paix, pour une éducation démocratique et en soutien aux étudiants chiliens, colombiens ou portoricains qui se sont mobilisés sur ce thème.

« Il faut absolument repenser les forums sociaux »

Restent cependant des questions en suspens. L’année qui vient de s’écouler a été marquée par l’émergence des Indignés et le Printemps arabe. Ces mouvements ont surgi sans que ne soit réellement impliqué le FSM. « La coordination internationale du FSM a été faible. Dix années avant, les forums sociaux étaient un des principaux référents du mouvement altermondialiste et anti-guerre et étaient le moteur d’un programme et d’un agenda de lutte contre la globalisation néolibérale et la guerre. Ce n’est plus le cas », explique Esther Vivas, sociologue catalane et membre de la Gauche anticapitaliste, qui a participé au FSM. « Il faut absolument repenser le mode de faire des forums sociaux dans ce contexte d’ouverture d’un nouveau cycle de protestation et d’indignation », conseille-t-elle.

Joël Depommier

La contestation monte jusqu’à Davos

A Davos, le World Economic Forum (WEF) s’est clôturé sans trouver de solutions à la crise dont sont largement responsables les participants à ce grand raout. Les solutions pourtant existent, elles se trouvent dans le partage des richesses, estiment des militants qui ont occupé le site avec des igloos et mené des actions quotidiennes sous l’enseigne « Occupy-WEF ». Les Indignés ont été rejoints le 28 janvier par quelque 200 manifestants et trois Ukrainiennes du mouvement Femen venues protester contre la « gangster party » du WEF. En tentant d’escalader un grillage barrant l’accès au Centre des congrès, les militantes ont été arrêtées par la police.

De leur côté, Greenpeace et la Déclaration de Berne ont décerné leur « Public Eye Awards » aux pires entreprises de la planète. Le jury a récompensé de ce prix de la honte le géant bancaire Barclays pour son activité de spéculation sur les produits alimentaires. Les internautes, eux, ont choisi Vale, le plus grand groupe minier au monde. Les 60 ans d’histoire de cette société brésilienne sont une longue suite d’atteintes aux droits humains, d’exploitation des travailleurs et de surexploitation de la nature. « Il ne suffit pas de constater les défauts de certaines pratiques en matière d’environnement ou de conditions de travail », a souligné le Prix Nobel Joseph Stiglitz, invité à la cérémonie de remise des trophées. « Ce dont nous avons besoin, ce sont des améliorations systémiques : inciter la création de structures, de cadres légaux, et augmenter nos attentes et nos demandes envers les entreprises, en tant que citoyens du monde. Ce n’est qu’à partir de ce moment que nous pourrons espérer vivre dans un monde où les pratiques de commerce durable et équitable seront la norme et non l’exception. »

Jérôme Béguin