Le Grand conseil se mouille

Assistance au suicide • Un cadre éthique dans les EMS et les hôpitaux est proposé. Le peuple tranchera sur ce sujet délicat.

Un cadre éthique dans les EMS et les hôpitaux est proposé. Le peuple tranchera sur ce sujet délicat.

Le débat a montré combien est délicate la tension entre le respect de la liberté individuelle et la mission des soignants, qui est précisément de soigner et non de faire mourir. Il y a ceux qui estiment qu’il ne faut aucune règle, ceux qui refusent toute directive de l’Etat et ceux, les plus nombreux, qui souhaitent un cadre modérateur lorsque les candidats au suicide sont dans un établissement de soins. Toute dérive doit pouvoir être freinée. Comme l’a relevé le Conseiller d’état Pierre-Yves Maillard, les aînés font partie de cette génération qui dit « Il ne faut pas se plaindre » et qui, à force d’entendre que les vieux coûtent cher et seraient un poids pour la société, se sentent inutiles et, pire, considèrent être un poids. Il faut tenir compte de telles pressions et aussi des tensions qui se font jour et du respect des Constitutions. Or, ce débat n’arrive pas par hasard. C’est l’association privée EXIT (« Pour le droit de mourir dans la dignité ») qui avait lancé une initiative vaudoise afin de contraindre les EMS à accueillir dans leurs murs les bénévoles de l’association qui aident ceux qui le souhaitent à mettre fin à leur vie. Il est clair que le Conseil d’état n’aurait jamais proposé de légiférer sur ce thème sans cette initiative. D’ailleurs, il y a peu de cas chaque année ; on en a répertorié 4 en 2009 dans des EMS. Le Conseil fédéral avait refusé une loi, tout en connaissant les dérives de DIGNITAS en Suisse alémanique. Le problème est complexe et ne peut être réglé sans nuances. Aussi le Conseil d’état a-t-il décidé de proposer un contre-projet moins lacunaire que l’initiative. La commission parlementaire qui l’a étudié s’y est déclarée favorable, à une voix près. Le Grand conseil a suivi à son tour. Par 100 oui contre 11 non et 6 abstentions, il a rejeté l’initiative et a soutenu le contre-projet par 93 oui et 17 abstentions. Le peuple votera donc sur ce sujet aussi émotionnel que délicat, une première en Europe.

Respect du libre-arbitre, des soignants et de l’éthique

Les règles du contre-projet affirment que le patient doit être capable de discernement et reconnu incurable par son médecin traitant, celui de l’établissement, par le personnel soignant et ses proches. Aucun soignant, en outre, ne peut être contraint à participer à l’acte dans le cadre de son activité professionnelle. La potion administrée ne pourra en aucun cas être prescrite par le médecin de l’établissement mais devra l’être sur un carnet à souches – donc contrôlable. Les soins palliatifs doivent être aussi proposés. Les patients qui disposent d’un domicile hors de l’établissement de soins doivent pouvoir s’y rendre pour accomplir l’acte ultime. Quant aux EMS, réputés être lieux de vie, ils seront aussi soumis aux directives ainsi précisées. Le sujet n’est certes pas facile. Il recouvre beaucoup d’angoisses et d’émotions face à la mort et aussi face à la douleur et à la dépendance, sans parler des non-dits et des dérives prévisibles. Le Grand conseil a su en parler avec dignité. Souhaitons que le débat qui aura lieu au moment de la votation populaire restera dans ce cadre et privilégiera les choix du contre projet.