Des critiques accablantes sont portées contre les cadeaux fiscaux accordés à certaines entreprises.
La discussion au Grand Conseil du rapport des commissions de surveillance, signé par la popiste Christiane Jaquet-Berger, a tourné court faute de temps, après pourtant deux heures d’un débat contrasté et animé. Même le chef du Département de l’économie, Philippe Leuba, n’a pas eu le temps de s’exprimer. Le débat reprendra en juillet avec les nouveaux élus du Parlement et face à un Conseil d’Etat qui sera doté d’un nouveau président, Pierre-Yves Maillard qui succédera à Pascal Broulis. Ce dernier avait pris seul jusqu’en mai 2011 les décisions d’allégements cantonaux après la fin de l’arrêté Bonny.
Durant des semaines, la presse, la radio et la TV ont épinglé le canton de Vaud sur sa généreuse pratique des allégements fiscaux, particulièrement en faveur de quelques grandes entreprises multinationales. Certaines d’entre elles étaient sous le feu de critiques d’organisations internationales et d’ONG, vu le manque de respect de l’environnement, du droit des travailleurs à l’étranger, voire de contentieux fiscaux dans leur pays d’origine.
Les allégements se concentrent sur Vaud et Neuchâtel
Un rapport du Contrôle fédéral des finances paru en fin d’année 2011 avait mis le feu aux poudres en pointant des contrôles insuffisants, qui étaient d’ailleurs aussi le fait du SECO. Il montrait surtout que les montants d’allégements se concentraient particulièrement dans certains cantons comme Vaud et Neuchâtel : 22% pour le premier, 23% pour le second. Cela représentait pour Vaud 48% de l’assiette totale des bénéfices avant l’allégement sur l’impôt fédéral direct et 14% en ce qui concerne Neuchâtel.
La délégation de sept députés répondait aux questions de la résolution du PS, des Verts et du groupe POP solidaritéS, présentée en février dernier par Jean-Michel Dolivo et votée par 67 oui, 46 non et 15 abstentions. Le verrou du secret fiscal et des affaires a été levé pour ces sept députés qui restent tenus à la confidentialité légale.
Manques de suivi, de contrôle et de transparence
Des 29 pages du rapport, il ressort un manque de suivi et de bilan de la part du canton, qu’il s’agisse des allégements offerts grâce à l’arrêté Bonny ou de ceux, cantonaux, qui ont suivi. Ainsi, « la délégation a souhaité obtenir le nombre d’emplois créés avec une distinction entre les emplois nouvellement créés et ceux importés lors de l’installation de l’entreprise. Ni le SPECo, ni l’ACI ne disposent d’instruments statistiques permettant de résoudre cette question. » Christiane Jaquet-Berger a relevé que pour répondre aux 23 questions posées d’emblée par la délégation, il a fallu que l’administration explore un à un 96 dossiers d’entreprises exonérées. C’est pourquoi la délégation fait la proposition ferme d’un tableau de suivi et de contrôle, mis régulièrement à jour et accessible au moins aux commissions des finances et de gestion. C’est d’ailleurs une recommandation du FMI et le canton de Genève le pratique depuis longtemps. Un fonctionnement qui n’a rien à voir avec celui du département des finances de Pascal Broulis, tétanisé par le secret fiscal, une scorie sans doute de sa formation dans les banques.
Critiques accablantes. Le rapport soulève aussi la question de la concurrence entre entreprises qui travaillent dans le même domaine et dont les critères sont flous, la bizarrerie des entreprises dont le nom apparaît plusieurs fois, chaque fois exonérées vu des différences de domaines d’activités, ou encore celles qui renaissent de leurs cendres en changeant de nom et décrochent le jackpot. Les listes elles-mêmes des entreprises ne sont pas claires aux yeux de la délégation, quant à l’optimisation fiscale qui ne fait pas partie des critères d’attribution et qui est implicite. La diversité industrielle mérite plus d’attention.
Le rapport se termine par six recommandations qui vont d’une meilleure communication à la clarté des délégations de compétences au sein du Conseil d’Etat, à plus d’information sur des allégements pour les professions libérales au soin apporté à l’image du canton et à l’éthique. C’est ce point qui a particulièrement déplu à la droite comme à l’UDC, dont le délégué Pierre-Yves Rapaz a d’ailleurs refusé de participer au travail de la délégation. Les libéraux ont affirmé que la gauche était la seule cause d’une image négative du canton par ses interventions durant la période électorale.
Pascal Broulis a laissé entendre qu’il était d’accord avec des ajustements et les recommandations, tout en regrettant lui aussi que la polémique ne freine des candidatures d’entreprises étrangères.
Le groupe POP-solidaritéS a déposé un postulat demandant un moratoire dans les allégements fiscaux temporaires en attendant que des critères clairs soient établis par le Conseil d’Etat.