Front commun contre l’austérité

EUROMANIFESTATION • Le 14 novembre, les syndicats européens seront dans la rue. Aussi en Suisse.

Le 14 novembre, les syndicats européens seront dans la rue. Aussi en Suisse.

Il y aura du monde dans les rues le 14
novembre. A l’appel de la Confédération
européenne des syndicats
(CES), une mobilisation internationale
se déroulera dans toute l’Europe. Motifs
de la manifestation ? Lutter contre les
programmes d’austérité et favoriser une
croissance durable et des emplois de
qualité : « En coupant dans les salaires et
dans la protection sociale, on attaque le
modèle social européen et on aggrave
les inégalités et les injustices sociales »,
note la confédération syndicale qui
avait déjà lancé de telles Euromanifestations
en 2010 et 2011. La centrale
exige un « nouveau contrat social européen
», c’est-à-dire une intensification
de la lutte contre le dumping social et
salarial, l’harmonisation de l’assiette fiscale
avec un taux minimum pour les
entreprises en Europe et une vraie lutte
contre l’évasion et la fraude fiscales.
Dans les pays de l’Europe méridionale,
où les coupes sociales sont les plus
drastiques, le mouvement prendra la
forme de grève générale que cela soit en
Espagne, au Portugal, en Italie et en
Grèce. Dans ce dernier pays, une grève
générale s’est déjà déroulée les 6 et 7
novembre, à l’appel des syndicats
PAME, proche des communistes, et de
ceux du privé GSEE et du public
Adedy, pour protester contre un projet
de loi pluriannuel (2013-2016) qui prévoit
de nouvelles coupes de 18 milliards
d’euros en échange d’une aide européenne.
Au Portugal, la Confédération
générale des travailleurs (CGTP) organise
sa journée de grève en protestant
contre l’exploitation et l’appauvrissement
et en faveur d’un « Portugal avec
futur ». En Espagne, les Commissions
ouvrières (CCOO) et l’Union fédérale
des travailleurs (UGT) préparent une
nouvelle grève générale, la deuxième de
l’année après celle du 29 mars.

La Suisse ne sera pas en reste dans
ce concert européen. Membre de la
CES, l’Union syndicale suisse (USS)
appelle aussi à manifester le 14
novembre, notamment à Zurich dans
le cadre d’une journée d’action dans la
construction. En Suisse romande, la
Communauté genevoise d’action syndicale
(CGAS) et Unia organiseront un
rassemblement syndical à Genève dans
le Quartier des banques le matin, et,
entre 12 et 14h, des piquets devant les
consulats de Grèce, du Portugal, d’Espagne
et d’Italie, avec les associations
des pays concernés pour remettre aux
consuls des lettres de soutien aux
grèves nationales et pour dénoncer les
politiques d’austérité.

« Il y a suffisamment d’argent
pour la justice sociale »

Dans le même temps, Unia, en collaboration
avec les syndicats allemand
Ver.di et autrichien du GAP, a lancé
une campagne rappelant « qu’il y a suffisamment
d’argent pour la justice
sociale » (infos sur www.geld-istgenug-
da.eu). Dans la conférence de
presse de lancement, le coprésident
d’Unia Andreas Rieger a souligné que
« la Suisse faisait partie du problème de
la dette européenne », du fait de la
politique de la droite qui favorise le
dumping fiscal à travers les forfaits fiscaux,
le secret bancaire, les réductions
d’impôt à travers de statuts de holding.
Il en a appelé à la fixation de salaires
minimaux, à des investissements dans
la formation, la santé et les infrastructures
et à une taxation équitable des
hauts revenus. Le 6 novembre, les syndicats
sont passés aux travaux pratiques
en manifestant devant une succursale
H&M à Bâle. Ils ont expliqué
que Stefan Persson, fondateur et propriétaire
de l’enseigne, avait une fortune
de 26 milliards de dollars, alors
que les employés de la chaîne internationale
touchaient des salaires très bas.
« Depuis 2009, la fortune des 300 habitants
les plus riches de Suisse s’est
accrue de 31 milliards. Il n’est pas
acceptable que ce soit aux “petites
gens“ de payer la facture de la crise,
tandis que les riches continuent à se
remplir les poches », dénonçait le tract
d’Unia distribué à cette occasion.

Reste maintenant à savoir si cette
Euromanifestation sera suffisante
pour changer l’orthodoxie du pacte
budgétaire en Europe ou les programmes
d’austérité en Suisse et dans
les cantons.

Vasco Pedrina : « Un saut qualitatif dans la mobilisation »

Vasco Pedrina, vice-président du syndicat international
des travailleurs de la construction et du bois
(BWI) et représentant de l’Union syndicale suisse (USS)
au sein du comité exécutif de la Confédération européenne
des syndicats (CES) précise les attentes des organisations
à la veille de la journée d’action du 14
novembre.

Qu’entendez-vous de la journée de mobilisation européenne de la
semaine prochaine ?
VASCO PEDRINA Ce sera la troisième année que la CES organise
une journée d’action. Par rapport aux années précédentes,
celle-ci représente un saut qualitatif. Pour la première
fois, des grèves générales sont prévues de manière
cordonnée dans les 4 pays de l’Europe du Sud ainsi que
des grosses manifestations en France et en Belgique. Dans
les pays dits excédentaires du centre et du nord européens
en revanche, il n’y aura malheureusement à nouveau que
des actions symboliques. En Suisse, les syndicats seront
solidaires avec leurs homologues européens, car nous
savons que si les politiques d’austérité se poursuivent, elles
amplifieront la crise. Ce qui aura des conséquences sur
l’emploi même en Suisse.

Est-ce que vous croyez qu’un changement est possible, alors que
l’UE et la plupart des pays sont à droite ?

La lutte est toujours vitale et impérative. Sans résistance et
grèves, nous allons vers la capitulation et donc vers la
liquidation du modèle social européen. Pour changer la
donne, il importe tout d’abord que les syndicats européens
augmentent leurs capacités de grève et de mobilisation audelà
des pays du Sud, afin qu’ils deviennent incontournables
et provoquent le changement de cap social nécessaire.
Cela commence déjà à changer : depuis quelques
mois, gouvernements et UE ne parlent plus seulement
d’austérité, mais aussi de pacte de croissance. Il faut
ensuite des changements politiques et que la droite au
pouvoir soit contestée. Avec l’élection de François Hollande
en France – même si son gouvernement se trouve en position
difficile – ou celles de majorités progressistes en Lituanie
ou en Roumanie, on entrevoit quelques signaux positifs.
Les élections en Allemagne en 2013 auront une
grande importance.