Haro sur la spéculation meurtrière !

MOBILISATION • Le Collectif contre le trading sur les matières premières a organisé une manifestation pour dénoncer la spéculation sur l'agriculture et s'opposer au forum du Global Grain qui se tient à Genève.

Le Collectif contre le trading sur les matières premières a organisé une manifestation pour
dénoncer la spéculation sur l’agriculture et s’opposer au forum du Global Grain qui se tient à Genève.

« Pas d’accapareurs de terres
agricoles, ni à Genève, ni
ailleurs ! » C’est sous cette
banderole que le Collectif contre le trading
sur les matières premières s’est
donné rendez-vous le 13 novembre sur
le Pont de l’Ile à Genève. C’est dans la
ville du bout du lac que s’est tenu jusqu’au
15 novembre le Global Grain
Geneva. Ce 10ème rendez-vous international,
patronné par plusieurs
banques comme BNP-Paribas, regroupait
le gotha des compagnies de
négoce et des acheteurs de matières
agricoles comme les multinationales
Cargill, Bunge ou Louis Dreyfus
comodities. « Ces sociétés sont des
monstres froids qui sucent la vie des
petits paysans, particulièrement en
Afrique et en Asie du Sud », rappelait
Jean Ziegler dans son livre Destruction
massive. Géopolitique de la faim
. La
réunion se partageait entre conférences
sur des thèmes comme l’investissement
dans l’agriculture et séances de
négociations.

« 98% des transactions sur les
matières alimentaires sont purement
spéculatives. Des produits agricoles
peuvent être échangés virtuellement
jusqu’à 30 fois par jour, ce qui conduit
à une hausse des prix préjudiciable aux
peuples », a expliqué Gilles Godinat de
SolidaritéS, en rappelant que 30% des
transactions mondiales dans le
domaine agricole se font à Genève.
« C’est de l’argent sale avec lequel ces
spéculateurs et la Suisse font leur
beurre. Il se fait au détriment des paysans
du sud, des populations rurales de
ces régions, qui sont mises sur la
paille », a renchéri Philippe Sauvain,
membre de L’autre syndicat, en invitant
les gens à se coucher sur des ballots de
paille disposés aux alentours. Il a aussi
dénoncé l’accaparement des terres dans
le monde par des propriétaires privés.
« Cette occupation représente une surface
grande comme 10 fois la superficie
de la Suisse. Les paysans sont obligés
de devenir des employés de ces
multinationales à des conditions infrahumaines
ou de s’exiler dans les centres
urbains », a-t-il dénoncé, en demandant
que les citoyens protestent contre
cet état de fait et interpellent les autorités.
Un récent dossier de l’association
internationale Grain, qui défend les
paysans, montre comment 10’000 agriculteurs
sierra léonais ont été expulsés
de leurs terres « sans compensation »
par la société Addax Bioenergy. Cette
société, propriété du franco genevois
Jean-Claude Gandur, aussi grand amateur
d’art, veut produire du bioethanol
dès 2013.

« Depuis vingt ans qu’existent des
accords de dérégulation dans le secteur
agricole, la faim s’est aggravée, car
l’agriculture, qui est un bien public, a
été livrée aux intérêts du privé », a
encore expliqué Rudi Berli, permanent
du syndicat Uniterre qui défend un
contrôle public dans ce secteur. « La
paysannerie d’ici qui se trouve de plus
en plus otage de l’agro-industrie. Il est
urgent de se réapproprier notre agriculture
et notre alimentation et d’exiger
la souveraineté alimentaire qui permet
aux peuples de contrôler ce qu’ils veulent
manger », a-t-il revendiqué.

« Un commerce de la mort »

Prenant la parole au nom de la Jeunesse
socialiste, François Clément,
coordinateur romand de l’initiative
fédérale « Pas de spéculation sur les
denrées alimentaires » a expliqué que
les pratiques spéculatives amenaient
la pauvreté et que 900 millions de
personnes souffraient de la faim
dans le monde. Le texte de l’initiative
veut interdire ces spéculations,
qu’elle soit le fait de banques, de
négociants en valeurs mobilières,
d’assurances privées, de fonds de placements
collectifs de capitaux ou
d’institutions d’assurances sociales et
d’investisseurs institutionnels. Seuls
seraient autorisés les contrats
conclus entre producteurs et commerçants
de matières premières agricoles
qui portent sur la garantie des
délais ou des prix fixés pour livrer
des quantités déterminées. « On n’a
pas besoin de ce commerce de la
mort. Il va à l’encontre des valeurs
suisses de respect de la vie, du travail
utile et bénéfique à tous », a-t-il
encore plaidé. « Comme avec les forfaits
fiscaux, la Suisse pourrait être
montrée du doigt par la communauté
internationale si nous favorisons
le boursicotage sur les denrées
alimentaires »,a-t-il prophétisé.