La frousse bourgeoise face à la misère rom

lausanne • Le Conseil communal a avalisé un contre-projet à l'initiative PLR qui met pratiquement hors la loi la mendicité.

Le Conseil communal a avalisé un contre-projet à l’initiative PLR qui met pratiquement hors la loi la mendicité.

Après trois séances âpres et intenses, la majorité du Conseil communal lausannois a introduit des zones d’interdiction de la mendicité dans la ville, la limitant en fait tellement strictement qu’elle devient impossible. Interdiction près des commerces, des administrations, des bancomats, des arrêts des transports publics et dans les bus, à proximité des musées ou des horodateurs… Toute mendicité « organisée » sera amendée jusqu’à 1’000 francs. La « planification » stigmatisée pourra concerner les familles qui pourraient se répartir des lieux et partager entre eux leurs gains à la fin de la journée. Et la mendicité ne sera tolérée que « passive ». Le PLR a condescendu à reconnaître que ces mesures ne concernent pas la mendicité « des fins de mois, pour quelqu’un qui aurait un problème ».

Personne n’en serait arrivé là si la Municipalité à majorité de gauche n’avait cru bon de concocter un contre projet à l’initiative PLR visant « l’interdiction de la mendicité par métier ». Or, le contreprojet accepté mardi par 84 voix contre 30 et 5 abstentions est en somme encore plus restrictif que l’initiative. Ce que le PLR Mathieu Blanc, artisan de celle-ci, s’est plu à reconnaître, au point de proposer son retrait. Une poignée de socialistes, une importante minorité de Verts et La Gauche, auteur du rapport de minorité, se sont radicalement opposés en vain à ces mesures sans pareilles en Suisse.

Dans des élans pathétiques, des élus de droite se sont étranglés en invoquant « des pères de famille agenouillés » ou des enfants soumis à « la vue de moignons ». Toutes situations propres selon eux à bouleverser la sécurité publique. Tous ont avoué leur gêne. Mais sans aller jusqu’à reconnaître que c’est en somme la vue de la misère qui les rend mal à l’aise et l’idée que cette misère a franchi nos frontières. C’est d’ailleurs le grand combat de l’UDC qui a refusé le contreprojet préférant mettre en cause et Schenggen et la tolérance sur notre sol de « personnes sans moyens d’existence ». Le PS a déclaré « ne pas brader ses valeurs mais soutenir un compromis ». Son secrétaire cantonal a affirmé qu’il s’agissait « d’éviter une votation populaire qui pourrait être violente ».

Mais personne n’a contesté qu’il s’agissait essentiellement de s’en prendre aux 30 à 60 Roms au maximum qui, selon les périodes, vivotent dans les rues lausannoises et qui sont les plus visibles. Comme le relève le Conseil synodal de l’Eglise réformée vaudoise, « un mendiant dans la rue est signe que la grande pauvreté existe. La mendicité est un moyen de survie pour des familles entières de Roms et d’autres personnes, y compris des Suisses. L’interdire serait les appauvrir encore plus. »

En définitive, sans doute pour se donner bonne conscience, et qui sait obtenir des indulgences du Ciel, le Conseil a accepté de confirmer la nomination d’un policier médiateur auprès des Roms qui existe déjà et a voté un budget de 100’000 francs renouvelés sur quatre ans en faveur de l’action de Terre des Hommes en Roumanie. De plus, une action de sensibilisation en faveur des Roms sera menée à Lausanne et une évaluation des nouvelles mesures sera conduite par la Municipalité. Quelques décisions alibis qui permettront peut-être à ceux que l’existence de la misère dérange au point de refuser de la voir de dormir paisiblement.