Habemus papam

Bien que d’éducation protestante devenue athée, je me suis prise au jeu, mercredi 13 mars, et j’ai tout arrêté pour regarder la télévision, la fumée blanche, l’attente sur la place Saint-Pierre, l’arrivée des gardes suisses, qui ont décidément fière allure, l’écartement des rideaux rouges (que le commun des mortels n’a pas le droit de toucher),...

Bien que d’éducation protestante
devenue athée, je me suis prise au
jeu, mercredi 13 mars, et j’ai tout
arrêté pour regarder la télévision, la
fumée blanche, l’attente sur la place
Saint-Pierre, l’arrivée des gardes
suisses, qui ont décidément fière
allure, l’écartement des rideaux
rouges (que le commun des mortels
n’a pas le droit de toucher), l’apparition
d’une soutane pourpre…
Moment de panique : les mânes de Jean-Paul II seraient-ils venus hanter le Vatican en ce
moment crucial ? Non, il ne s’agissait que du doyen des cardinaux atteint de Parkinson, spectacle
que Benoît XVI nous aura épargné, Dieu merci. D’une voix tremblante, il annonça la
phrase fatidique « Habemus papam » et énuméra ses noms, dont celui de François que portera
dorénavant Jorge Mario Bergoglio, acclamation de la foule. On se serait cru au théâtre. La mise
en scène parfaitement huilée du Vatican a fait durer le suspense jusqu’à la blanche apparition
du nouveau pape, dont le visage rond et les lunettes inspirent confiance. Il a dit « bonsoir »,
comme monsieur tout le monde, puis a demandé que les fidèles le bénissent, en s’inclinant,
un moment fort.

Or donc, un milliard trois cent mille catholiques ont un pape argentin et jésuite, deux premières.
On apprend que cet homme est d’origine modeste (son père était employé des chemins
de fer), qu’il habitait un simple appartement au lieu de la luxueuse résidence destinée
aux cardinaux de Buenos Aires, qu’il est proche des pauvres, considère que la misère est
contraire aux droits humains.

Tout cela est édifiant. Malheureusement, sur le plan de la doctrine, ce nouveau pape semble
aussi réactionnaire que son prédécesseur Benoît XVI, ce qui n’est pas peu dire. Il est opposé au
mariage des prêtres, à l’ordination des femmes, bien que les femmes aient occupé une place
importante du temps de Jésus et au début de la chrétienté. Il est contre l’usage du préservatif
et contre l’avortement, même en cas de viol. On risque donc d’assister, dans les années à venir,
au spectacle désuet, déconnecté de la réalité, de vieillards radotant qui prétendent guider le
vaste peuple catholique sur le chemin de la tolérance et du respect… tout en excluant la moitié
de l’humanité dans ses structures. Une fois encore, les diktats de la papauté sur le préservatif
auront pour conséquence indirecte la mort de milliers de personnes.

Sans compter qu’il faudra bien, un jour, aborder de front les scandales qui salissent l’Eglise
catholique, comme la pédophilie, qui a pourri tous les niveaux de la hiérarchie dans le monde
entier, ainsi que les dysfonctionnements à répétition de la curie, qui reste d’une opacité d’encre.

Benoît XVI semble s’y être cassé le nez et le pape Jean-Paul Ier, qui avait l’intention d’y mettre
de l’ordre, n’a régné que 33 jours, d’août à septembre 1978. Sa mort reste un mystère. La tâche
qui attend François semble surhumaine.

Pour les féministes, l’apparition de ces hommes, âgés, vêtus de robe, qui se prennent au
sérieux et semblent persuadés de détenir la Vérité avec un grand V, semble issue d’une autre
époque, quand les femmes n’avaient pas encore le droit à la parole. L’immobilisme de l’Eglise
catholique les désespère.