Un opéra qui se veut simple et accessible

ART LYRIQUE • « L'Aiglon » d'Arthur Honegger et Jacques Ibert est donné pour la première fois à Lausanne.

« L’Aiglon » d’Arthur Honegger et Jacques Ibert est donné pour la première fois à Lausanne.

Créé avec grand succès en 1937
à Monte Carlo d’abord, puis à
Paris, L’Aiglon d’après la pièce
d’Edmond Rostand n’a été donné
en Suisse pour la première fois
qu’en 1953 à Genève. Mais c’est à
l’Opéra de Marseille, dont Renée
Auphan avait repris la direction
après ses années lausannoises,
qu’Eric Vigié, qui venait d’être
nommé dans la capitale vaudoise,
l’a vu en 2004 et s’est promis de le
programmer sur la scène du
Théâtre Municipal. Cette première
lausannoise, à l’affiche de l’Opéra
de Lausanne en avril, sera donc
l’événement lyrique de la saison.

Deux compositeurs pour un
opéra est plutôt chose rare. Dans la
documentation rassemblée par Pascale
Honegger, la fille d’Arthur, on
trouve cette conversation entre son
père et celui qui fut son parrain
Jacques Ibert, rapportée par
Huguette Calmel Champion, dans
les Ecrits d’Arthur Honegger (éd.
Slatkine) : « Nous avions eu une
panne, et je laissais tourner le
moteur un moment avant de
démarrer. A ce moment je t’ai dit
que Henri Cain (le librettiste) me
demandait d’écrire une partition
pour L’Aiglon. Tu m’as répondu,
avec un sursaut qui faillit compromettre
à jamais les ressorts du siège
avant, que tu avais été l’objet d’une
semblable sollicitation. » Les deux
compères décident alors qu’ils écriraient
la partition ensemble ! Ils y
travaillèrent tout l’été 1936 avec la
ferme intention d’en faire un opéra
populaire, « simple, facile à interpréter,
accessible à tous », une
oeuvre grand public. Pari tenu. Ils
prétendaient garder secret qu’elle
avait été la part de chacun, mais il
apparut très vite que les actes 1 et
5, avec des parties plus lyriques,
ainsi que le ballet acte 3, étaient de la plume de Ibert, tandis que
Honegger signaient les pages
héroïques, actes 2, 3 et 4, en particulier
le monologue machiavélique
de Metternich à l’encontre du fils
de Napoléon et surtout la scène
hallucinante où L’Aiglon mourant
revit en rêve, dans une fulgurance
impressionnante, la terrible bataille
de Wagram des 5 et 6 juillet 1809.

Certes l’opéra « si français, si
national » avait une résonance particulière
en 1937, comme le reconnaissait
Honegger. Il n’empêche
qu’aujourd’hui encore il rappelle
que l’exaltation de la gloire est au
prix de l’horreur de la guerre. Des
moments forts, pathétiques, des
chants patriotiques, mais aussi des
comptines, du charme, de l’habileté,
de la finesse composent cette
oeuvre écrite avec un métier indubitable.
A Lausanne, Renée Auphan
en assure la mise en scène d’après
celle réalisée à Marseille par Patrice
Caurier et Moshe Leiser ; la distribution
s’annonce de premier ordre
avec en tête d’affiche C. Séchaye,
M. Barrard, F. Pomponi ; l’Orchestre
de Chambre de Lausanne et le
Choeur de l’Opéra de Lausanne
seront dirigés par Jean-Yves
Ossonce.


L’Aiglon les 21 avril à 17h, 24 à 19h, 26 à
20h et 28 à 15h. Location : 12 av., du
Théâtre, du lundi au vendredi, de 12h à
18h ; 021 315 40 20 ; opéra@lausanne.ch ;
ou FNAC.