Le Musée de Pully présente 130 oeuvres provenant d’un fonds prestigieux, celui du Genevois Pierre Cailler, qui regroupe
tous les courants artistiques du siècle et des artistes comme Picasso, Fernand Léger, Jean Cocteau ou Lurçat.

A l’origine de cette exposition,
on trouve une donation
exceptionnelle. En 2011, la
galeriste Nane Cailler offre généreusement
à l’institution pulliérane
le fonds constitué par son père,
riche de 950 gravures représentant
trois cents artistes contemporains.
Le Genevois Pierre Cailler (1901-
1971) a depuis le milieu des années
quarante une importante activité
d’éditeur d’art, d’abord avec Albert
Skira, puis à son compte. Il fait
notamment imprimer et publier de
nombreux catalogues d’artistes. En
1949, il fonde la Guilde internationale
de la Gravure. Après les souffrances
de la guerre et de l’Occupation,
on ressent un besoin d’art, qui
s’exprime par la peinture, la sculpture,
les tapisseries de Jean Lurçat,
etc. Il est symptomatique que plusieurs
artistes français de cette
époque, comme Picasso, Fernand
Léger, Lurçat et d’autres, aient
adhéré au Parti communiste, qui
prône l’art et la culture pour tous.
Pierre Cailler, lui, veut démocratiser
les beaux-arts, en permettant
aux amateurs non fortunés d’acquérir
une estampe, beaucoup
moins coûteuse qu’une huile par
exemple. Celles-ci sont tirées à 200
exemplaires numérotés. Le Petit
Larousse nous dit que « l’estampe
(de l’italien stampa) est une image
imprimée après avoir été gravée
sur métal, bois, etc. ou dessinée sur
support lithographique ». Si toutes
les techniques sont représentées
dans ce fonds, la plupart des
feuilles – souvent des épreuves
d’artistes dédicacées à Pierre
Cailler avec un mot affectueux –
sont des lithographies. Rappelons
que, pour réaliser une litho, l’artiste
dessine avec un crayon gras
sur une pierre calcaire. L’encre ne
va adhérer que sur les surfaces dessinées,
et sera repoussée par les
autres, enduites d’eau et d’acide.

Un florilège de l’art de la seconde
partie du XXème siècle

Tous les courants artistiques apparaissent
dans l’exposition : l’expressionnisme,
le surréalisme, le fauvisme,
le cubisme, la réalité poétique…
La présentation n’est pas
chronologique, mais plus ou moins
thématique. On peut donc y voir
des paysages (par exemple chez
Cuno Amiet), des natures mortes
(avec Bernard Buffet), des représentations
animales (Chevaux de
course de René Auberjonois), des
configurations abstraites chez Jean
Arp, des portraits, dont ceux de
l’écrivain Jean Genêt par Leonor
Fini ou de Jean Rostand par Foujita.
Les femmes artistes ne constituent
qu’environ le 10% de la production
éditée par Pierre Cailler.
Parmi elles, la sculpteur Germaine
Richier, dont les femmes-insectes
représentent allégoriquement les
désastres d’une guerre qui est
encore si proche. Remarquons
aussi plusieurs oeuvres au dessin
aérien de Jean Cocteau (qui était
particulièrement proche de
Cailler), de Fernand Léger, dont les
couleurs éclatantes et les formes
empreintes de robustesse sont
immédiatement reconnaissables, et
un remarquable Soleil rouge sanglant
de Zao Wou-Ki. Mais à côté
des créateurs célèbres, le visiteur
découvrira aussi des noms méconnus,
ou un peu oubliés.

Enfin, cette exposition fort bien
conçue propose, en complément
ou en contrepoint, d’autres
médiums qu’utilisaient les artistes
de la Guilde : la tapisserie déjà
mentionnée, la peinture, le dessin,
la céramique ou le verre.

Le Musée de Pully offre donc un
voyage dans la création contemporaine,
au travers d’un média qui,
répétons-le, a rendu l’acquisition
d’oeuvres des plus grands maîtres
accessible à un large public, et non
plus seulement à une petite élite de
privilégiés.

….

« De Cuno Amiet à Zao Wou-Ki. Le
fonds d’estampes Cailler », Musée de
Pully, mercredi à dimanche de 14h à
18h, jusqu’au 21 avril.