Pour un pacte de moralisation de la politique

DÉBAT • Pour renforcer la démocratie, le monde politique genevois doit adopter un dispositif pour déraciner les quelques mauvaises herbes qui le polluent.

Pour renforcer la démocratie, le monde politique genevois doit adopter
un dispositif pour déraciner les quelques mauvaises herbes qui le polluent.

Tous pourris ? Beaucoup de personnes
jugent négativement le
monde politique. Les médias affichent,
à la une, toutes les magouilles. Ils
montent en exergue les scandales. C’est
utile pour lutter contre les dérapages
politiques. Par contre, ces affaires,
ultra-médiatisées, créent malheureusement
l’amalgame.

Pourtant, ayant agi durant plusieurs
années dans ce monde politique, j’ai vu
un nombre pléthorique de gens, toutes
tendances confondues, donner énormément
de temps pour améliorer la vie
des citoyennes et des citoyens ; souvent
au détriment de leur emploi, de leurs
loisirs, de leur famille. Si les gueulards
de bistrot donnaient autant pour la
République, ce serait un tsunami
d’énergie positive offert au bien-être de
la collectivité. Or, nous parlons trop
peu de cette majorité d’élues et d’élus
qui s’engagent sans compter. A force de
ne mettre en lumière que des points
noirs, on stigmatise injustement l’ensemble
des politiques et déstabilisons la
démocratie.

Pour conférer le respect que mérite
la fonction politique, pour viser à
l’exemplarité, un pacte de moralisation
de la politique genevoise devrait être
conclu à l’aube des élections cantonales.

Celui-ci devrait inclure le renforcement
de la publication des liens d’intérêts
de chaque candidature. Les
citoyennes et citoyens doivent
connaître les lobbys, les associations,
les syndicats, les clubs, les entreprises,
les conseils d’administration et de fondation,
les milieux religieux qu’une
candidature porte.

Déclaration de patrimoine
et limitation des mandats

Une déclaration de patrimoine doit
être mise en place. La publication, pour
les candidates et candidats aux élections,
de leurs revenus, de leurs fortunes
et de leurs dettes devrait être
condition de transparence. L’historique
des relations entre une candidature et
la justice devrait être connu de toutes et
tous. L’exigence de probité doit être
absolue !

Le cumul des mandats, plaçant trop
de pouvoir dans les mains d’une seule
personne, doit être combattu. « Un
mandat politique, une personne » doit
être la règle. Un seul mandat politique
à la fois répartirait mieux le pouvoir
d’influence et augmenterait la qualité
du travail fourni. Les exemples le prouvent,
même parmi les meilleurs. Robert Cramer, brillantissime
conseiller d’Etat, a été très discret à
Berne, tant qu’il additionnait son mandat
cantonal à celui d’élu fédéral. Guy-Olivier Segond, malgré ses talents, avait
accompli le même parcours auparavant.
Les cumulards entre les instances
communales et cantonales obtiennent
des performances du même acabit.

La limitation de la durée de mandat
doit devenir la règle pour métamorphoser
la politique. Cette limite de
temps forcerait au renouvellement des
forces politiques et donnerait de l’oxygène
à notre démocratie bien fatiguée.

L’immunité parlementaire doit être
restreinte au maximum pour ne pas
conférer des droits supplémentaires au
monde politique par rapport au
peuple.

L’Inspection cantonale des finances
et la Cour des comptes doivent pouvoir
contrôler le travail de nos élu-e-s, mais,
de surcroît, leur moralité. La politique
est une morale qui doit empêcher les
femmes et hommes politiques de se
sentir puissants, au-dessus de la mêlée,
voire intouchables.

L’accroissement de la moralisation
de la politique est une clé du renforcement
de la démocratie et une barrière
contre la démagogie populiste qui
exploite les quelques travers d’une
minorité de moutons noirs, faisant bien
du tort à nos institutions.

La femme ou l’homme politique a
un devoir d’exemplarité. Le monde
politique doit adopter un dispositif
pour épurer les quelques mauvaises
herbes qui le polluent.


(Christian Brunier est ancien député socialiste – ndlr)