Encore des cadeaux fiscaux aux entreprises vaudoises

Le parlement abaisse la fiscalité des entreprises en échange d'une hausse des allocations familiales. Une « arnaque » pour le groupe POP-solidaritéS.

Le parlement abaisse la fiscalité des entreprises en échange d’une hausse
des allocations familiales. Une « arnaque » pour le groupe POP-solidaritéS.

Maillard et Broulis sont les duettistes
stratèges du Conseil
d’Etat et de sa majorité dite de
gauche. Ils ont négocié un marché avec
les milieux économiques visant à
diminuer d’un point la fiscalité des
entreprises contre l’accord d’augmenter
de 95 millions les allocations familiales.
C’est-à-dire comment concilier
l’eau et le feu. La vapeur de cette combinaison
a fait tousser les communes
que l’on a tout bonnement oublié de
consulter. Elles voient maintenant
leurs revenus fiscaux annuels baisser
de 25 millions. Le député popiste
Didier Divorne s’est indigné : « La commune
de Renens pourrait y perdre
500’000 francs en 2016, soit plus d’un
point d’impôt. C’est la mise à mal de la
souveraineté des pouvoirs délibérants
mis ainsi au pied du mur. » La commission
des finances, à pas feutrés, s’est risquée,
elle, à murmurer son regret que
« les communes n’aient pas été associées
aux négociations » et a émis humblement
le voeu « que le Conseil d’Etat
prenne langue avec les communes
pour étudier l’impact de cette décision.
» Un impact dont on ne sait rien,
si ce n’est le chiffre global de 25 à 35
millions. Mais le Grand Conseil, invité
à voter la tête dans un sac, a accepté
une troisième baisse d’impôts pour les
entreprises – un cadeau qui ne se
refuse pas – contre la seule et unique
opposition du groupe POP-solidaritéS.
C’est d’ailleurs Jean-Michel Dolivo qui,
le seul aussi, a su donner des chiffres et
informer le Parlement, les duettistes
étant soudain peu loquaces.

Le député a dénoncé « une
arnaque ». « Les cotisations versées par
les employeurs pour les allocations
familiales font partie de la masse salariale
et ces coûts supplémentaires vont
être portés en déduction du bénéfice,
diminuant ainsi l’impôt que les entreprises
vont payer. Les entreprises
gagnent sur deux tableaux. En outre,
les allocations familiales sont exprimées
en francs, donc insensibles à l’inflation,
alors que la baisse d’impôt est
calculée en pour cent. Le système
implique au fil des années une péjoration
pour les salariés et pour les
recettes de l’Etat, ce qui signifie une
pression qui risque de conduire à des
politiques d’austérité. »

Au fond, c’est la même tactique que
celle, au niveau fédéral, du brillant
conseiller fédéral Merz qui a piloté
l’entourloupe de la modification 2 de la
fiscalité des entreprises, censée ne coûter
que quelques dizaines de millions
et qui se calcule aujourd’hui en
dizaines de milliards de rentrées fiscales
en moins… Jean-Michel Dolivo a
rappelé que l’impôt sur le bénéfice des
sociétés anonyme a beaucoup baissé
dans le canton durant les vingt dernières
années. « En 2011, pour une
entreprise dégageant un million de
bénéfice net à Lausanne, le taux d’imposition
cantonal et communal est, en
tout, de 17% alors qu’il était en 1991,
pour un bénéfice équivalent et compte
tenu de l’inflation, de 22,3%. Autrement
dit, il s’agit d’une baisse de 23,8
%. Ainsi une entreprise dont le bénéfice
est resté constant payait 100’000
francs d’impôt en 1991 et 76’000 en
2011 ! »

Le groupe POP-solidaritéS, qui
avait soutenu en décembre les augmentations
des allocations familiales, a
tenté de proposer le renvoi du débat
fiscal dans l’attente d’informations
complémentaires de la part du gouvernement.
Cette offre de bon sens a été
balayée par tous les groupes. La petite
coalition de gauche s’est donc retrouvée
seule contre tous à refuser l’entrée
en matière et tous les articles du premier
débat. PS, écologistes et droite se
sont unis « pour ne pas causer du tort à
la négociation » ou « pour respecter les
promesses faites par le gouvernement
aux milieux économiques ». La droite a
même tenté de titiller le PS en déclarant
que ce parti était viscéralement
opposé à toute baisse d’impôts. Le chef
du groupe PS a aussitôt rectifié « Le PS
n’est pas opposé à la baisse des
impôts ! ». Ce que c’est quand même
que ces fils à la patte qui unissent si
étroitement parfois gouvernement et
parlementaires…