Expressionnisme et mythologie scandinave règnent à Morges

EXPOSITION • Le Musée Forel présente l'oeuvre originale du Suédois Bengt Lindström.

Le Musée Forel présente l’oeuvre originale du Suédois Bengt Lindström.

Bengt Lindström (1925-2008) est
né dans le village de Storsjökapell
(la chapelle du grand lac),
au nom évocateur de ce Norrland suédois
de plans d’eau et de forêts profondes
où habitent sans doute des
trolls et autres esprits. Dès l’enfance, il
se lie d’amitié avec les Lapons, qui lui
racontent les légendes du Grand
Nord. Il restera marqué par cette
mythologie. Il fréquente des écoles
d’art à Stockholm, Copenhague, Chicago
puis Paris, où il suit des cours de
Fernand Léger. Doit-il à ce dernier
son goût des couleurs éclatantes, qui
sont une véritable joie pour l’oeil ? Il a
été influencé aussi par l’expressionnisme,
qui prône une certaine violence
chromatique, et par le groupe
Cobra (contraction de Copenhague-
Bruxelles-Amsterdam), qui fut entre
1948 et 1951 l’un des mouvements
artistiques les plus novateurs de
l’après-guerre. De fait, l’oeuvre de
Lindström présente des similitudes
avec celles d’Asger Jorn et de Karel
Appel : corps déformés, visages grimaçants,
couleurs crues. Mais il y a
quelque chose de spécifiquement nordique
chez l’artiste suédois. Les rares
huiles visibles à Morges, avec leurs
verts intenses et l’épaisseur de leur
pâte de peinture, traduisent l’atmosphère
inquiétante et mystique des
forêts. Une série d’estampes (celles-ci
constituent l’essentiel de l’exposition)
s’intitule Les hommes du Valhall, le
paradis des guerriers vikings où vivent
notamment les Valkyries. Une autre
est consacrée aux grands hommes de
la Suède : le roi Gustave-Adolphe ou
encore le dramaturge August Strindberg.
Mais Lindström, féru de littérature,
s’inspire aussi de la mythologie
grecque, dans la série Héraclès, et de
Shakespeare : il réinterprète à travers
son art figuratif expressionniste, les
visages du Roi Lear ou d’Othello. Le
protestantisme nordique est présent,
lui, dans ses Sept péchés capitaux, au
titre très bergmanien ! Ouvert aux
nouveautés techniques, Bengt Lindström
a utilisé pour ses estampes le
procédé du carborundum, un matériau
pâteux qui permet des modelés
en relief. Voilà une exposition sur un
artiste peu connu ici, dont l’oeuvre
relève d’un certain primitivisme, qui à
la fois enchante et inquiète le spectateur.
Une utile projection vidéo de
vingt minutes raconte la vie de Lindström
et explique son oeuvre. Notons
que cette présentation constitue la
première partie d’un Triptyque : à travers
trois expositions successives, du
16 mars au 6 octobre, le Musée Forel
entend mettre en valeur deux importantes
donations d’estampes réalisées
par divers artistes, qui ont considérablement
enrichi ses collections.


« Bengt Lindström. Légendes du Nord et
grands mythes de notre monde », Morges,
Musée Forel, jusqu’au 2 juin.