L’écho rafraîchissant des rivières

LIVRE • Entre anecdotes et détails techniques, le Genevois Jean-Pierre Habersaat raconte, non sans un certain lyrisme, son expérience de pêcheur de truites.

Entre anecdotes et détails techniques, le Genevois Jean-Pierre Habersaat
raconte, non sans un certain lyrisme, son expérience de pêcheur de truites.

Il y a l’école littéraire du Montana,
pays de rivières et d’écrivains ouverts
aux grands espaces, à la nature et au
monde, dont on trouve une bonne
illustration chez le Jim Harrison d’Un
bon jour pour mourir
ou Richard Brautigan,
auteur du best-seller La pêche à
la truite en Amérique
. A son échelle,
celle du canton de Genève, c’est cette
voie que suit Jean-Pierre Habersaat
dans son deuxième livre, La rivière en
échos. Souvenirs d’un pêcheur de truites
.
Dans ce récit savoureux, il raconte par
le menu son expérience de pêcheur de
truites fario, salmonidé de rivière,
depuis l’âge de ses treize ans, dans l’Allondon
ou la Versoix qu’il rejoignait à
bicyclette dans son enfance. Derrière le
langage technique, concret et évocateur
qui revient sur les subtilités de la pêche
à la petite amorce, au lancer ou à la
mouche, c’est tout d’abord à une véritable
élégie du grand air, de l’eau et des
éléments que le lecteur est convié. A
travers des anecdotes livrées au fil de la
plume, l’auteur, qui fait souvent montre
d’une grande conscience écologique,
nous entraîne dans les plaisirs simples,
mais vivifiants de cette connivence sensuelle
avec la nature. Un bonheur qui
se gagne au fil d’heures passées le long
des rivières, sur l’eau ou à cheminer
près des cascades et des torrents de
montagne ou pendant le guet et l’attente.
Que cela se passe à Genève, mais
aussi sous diverses latitudes comme en
Laponie, aux bords de la Blackwater en
Irlande ou de la Ribo au Tessin. « Voir,
entendre, sentir ou encore toucher et
goûter peuvent permettre l’émerveillement
des sens. (…) Comment décrire
l’odeur si particulière de la forêt ou des
champs voisins avec les premières
gouttes d’un orage ou le goût succulent
de baies sauvages, de la petite fraise de
bois ou de la myrtille cueillies au
hasard au détour du chemin conduisant
au bord de l’eau ? Le chant du pinson,
d’un coucou en été, cachés au fond
du bois, les trilles du merle sur sa
branche, le cri d’un animal inconnue, le
grondement d’une chute ou d’une cascade
restent le plus beau des concerts
offerts par la nature », écrit-il de façon
lyrique. A l’en croire, le paradis sur
terre et sur l’eau se trouverait d’ailleurs
dans la vallée de l’Entlebuch dans les
Préalpes lucernoises.

La chronique des souvenirs permet
aussi de faire le portrait de toute une
galerie de personnages à commencer
pas sa femme ou sa fille, Nathalie. Certains
d’entre eux attirent la sympathie
comme Alex, concierge à l’école des
Boudines, qui a relâché une truite dans
le bassin du préau de son école, ou Lulu
Pasteur, footballeur du Servette et
excellent pêcheur, « élégant du geste…
comme au stade des Charmilles ». Mais
tous les pêcheurs ne sont pas du même
tonneau. Certains ne veulent pas de
rivaux et n’aiment pas être dérangés.
Près de la Lonza en Valais, le personnage
principal rencontre un pécheur
revêche, qui explique « que les bons
endroits étaient überall, c’est-à-dire partout
et les belles truites se trouvaient im
Wasser, dans l’eau ». Des lapalissades…
qui coulent de source.

Avec sa deuxième oeuvre, Jean-
Pierre Habersaat offre un vrai livre
rafraîchissant et limpide de simplicité, à
déguster d’une traite au cours de l’été. n


Jean-Pierre Habersaat, La rivière en échos. Souvenirs
d’un pécheur de truites
, éd. Slatkine
2013, 234 p., 34 frs.