La gratuité, ça vaut le coût !

TRANSPORTS PUBLICS • Au travers d'une pétition, le mouvement de jeunesse du Parti ouvrier populaire (POP) neuchâtelois mène campagne en faveur de la gratuité des transports publics dans le canton pour les jeunes jusqu'à l'âge de 25 ans. Une mesure écologique et une aide importante pour les familles.

Au travers d’une pétition, le mouvement de jeunesse du Parti ouvrier populaire
(POP) neuchâtelois mène campagne en faveur de la gratuité des transports publics dans le canton pour les
jeunes jusqu’à l’âge de 25 ans. Une mesure écologique et une aide importante pour les familles.

Les Jeunes POP Neuchâtelois ont
lancé une pétition demandant la
gratuité des transports publics
pour les jeunes jusqu’à l’âge de 25 ans.
Pour eux, « offrir la gratuité, c’est permettre
aux jeunes d’adopter une
forme de transport écologique ».
Ensuite, une telle politique constituerait
« une aide importante pour les
familles ». Enfin, la gratuité, « c’est plus
de mobilité pour les jeunes à travers
le canton ». Leur action promeut également
le renforcement de la cohésion
cantonale. Cette gratuité permettrait
en effet aux jeunes du Bas de
rencontrer ceux du Haut, avec au passage
le renforcement des liens avec les
vallées. Ils osent faire le choix d’une
vraie politique de la jeunesse à la fois
sociale, écologique et nouvelle !
« Alors que tous les partis parlent
d’écologie, nous proposons un moyen
concret de la mettre en pratique »,
écrivent-ils dans leur présentation.

Des craintes sur la qualité
du service

La campagne est lancée à la foi dans
la rue, devant les écoles, les lycées
et l’Université mais aussi sur les
réseaux sociaux. Les pétitionnaires
invitent tout un chacun à visiter
leur page Facebook [1] pour suivre en
directe l’évolution de la campagne.

Parmi les premières réactions, la
crainte que la gratuité ne galvaude
le service vient en tête des observations
avec le fait de savoir qui va
payer la facture.

Pourtant, les expériences sont
positives partout où la gratuité des
transports publics est devenue réalité,
même si souvent la première
réaction est négative ou tout au
moins réservée.

Progression de nombre d’usagers
et diminution des déprédations

Dans le livre Voyageurs sans ticket [2],
Jean-Louis Sagot-Duvauroux et
Magali Giovannangeli retracent l’expérience
vécue dans l’agglomération
d’Aubagne, près de Marseille, où l’introduction
de la gratuité a changé
profondément le comportement
social des usagers. Quand en 2009 le
principe de gratuité des transports
est proposé aux citoyens de la communauté
d’Aubagne, les réactions de
défiance sont nombreuses. Si pour
certains la gratuité est une mise en
pratique de valeurs, d’autres se
demandent si, au contraire, elle ne va
pas dévaloriser pas ce dont elle fait
bénéficier, donc le service public.
Dans les faits, l’expérience se soldera
par une progression spectaculaire de
l’usage des transports publics, une
diminution radicale des déprédations
et des comportements asociaux,
comme une réduction des
coûts des transports à l’habitant.

Il est important de relever qu’en
France les entreprises contribuent au
financement des transports publics
par une taxe au prorata du nombre
de leurs employés. La pétition des
jeunes popistes neuchâtelois pourrait
inciter le pouvoir politique à s’engager
en ce sens pour introduire la gratuité
pour tous.

Alain Bringolf

L’idée fait son chemin, mais la pente est forte

Une bonne moitié de Romands serait favorable à la gratuité des transports publics,mais plusieurs projets dans
ce sens ont échoué. A l’étranger, si Tallinn a rendu son réseau gratuit, Hasselt vient d’y renoncer en partie.

La pétition des Jeunes POP Neuchâtelois
n’est pas la première
action pour la gratuité des transports
en Suisse romande. En 2005 déjà,
une initiative déposée par les Communistes
proposait la gratuité des Transports
publics genevois (TPG). Estimé à
100 millions de francs par an, le projet,
combattu par les socialistes et les écologistes,
était refusé en 2008 par 67%
des suffrages. En 2010, c’est le Grand
Conseil vaudois qui repoussait une initiative
parlementaire du même type
déposée par le groupe POP-solidaritéS.
L’année suivante, c’était au tour du
Grand Conseil fribourgeois de rejeter
une motion de la Jeunesse socialiste
pour la gratuité en faveur des jeunes en
formation jusqu’à l’âge de 30 ans. En
février dernier, les citoyens de Gland,
eux, refusaient par 77% des voix la gratuité
pour les élèves demandée par une
initiative de parents.

Utiliser les transports publics sans
bourse délier ne semble donc pas en
encore faire recette en Suisse. Pourtant,
selon un sondage réalisé en 2009, 57%
des Romands y seraient favorables,
mais, au final, la question du coût
paraît rebuter l’électeur dans l’isoloir.
Sur près de 14 milliards dépensés
annuellement dans les transports
publics en Suisse, les deux tiers sont
pris en charge par les collectivités
publiques. Reste à trouver le solde. En
2008, les Communistes évoquaient une
augmentation de la taxe aéroportuaire
à Cointrin. L’idée d’une taxe sur les
entreprises sur le modèle français est
aussi dans l’air.

A l’étranger, l’expérience a tenté plusieurs
villes à l’instar de Tallinn. Depuis
le début d’année, la capitale de l’Estonie
offre en effet la gratuité sur l’ensemble
des lignes de bus et de tramway à ses
400’000 habitants. Par contre, enfin
d’économiser 1 million d’euros, Hasselt
a décidé en printemps de renoncer à
une mesure qui avait fait connaître il y
a 16 ans cette petite ville belge dans le
monde entier. Seuls les jeunes, les
retraités et les bénéficiaires de l’aide
sociale pourront continuer à emprunter
les bus sans payer. Ce qui, en Suisse,
serait déjà pas mal !

Jérôme Béguin


[2] Jean-Louis Sagot-Duvauroux et Magali
Giovannangeli, Voyageurs sans ticket :
liberté, égalité, gratuité. Une expérience
sociale à Aubagne
, éd. Au Diable Vauvert,
240 p., 15 euros