Les vestiges de la mémoire

littérature romande • Le Neuchâtelois François Berger conte l'histoire de Maxence, cadre à l'OMS, féru d'archéologie devenu amnésique.

Le Neuchâtelois François Berger conte
l’histoire de Maxence, cadre à l’OMS, féru d’archéologie devenu amnésique.

Au travers d’une intrigue qui s’articule
autour de Maxence, le
narrateur hospitalisé à la suite
d’un accident qui l’a laissé amnésique,
l’auteur explore la mémoire de son personnage,
laquelle se révèle alors au
coeur de ce beau roman. Bientôt rétabli,
Maxence, le fonctionnaire international,
reprend son activité de travail
de cadre à l’OMS, tandis qu’Ottavia,
son épouse, poursuit son travail de traductrice.
Quant aux deux jumelles du
couple, elles sont encore en études.

Une existence finalement banale si
elle n’avait pas été bousculée par plusieurs
drames, dont une altercation
entre Maxence et Alban, l’un de ses
collègues qui rivalise de ruses afin d’obtenir
le poste de directeur de l’OMS,
celui même pour lequel Maxence a
posé sa candidature. Dès lors, cela
expliquerait-il la (prétendue) tentative
de meurtre dont le narrateur serait
coupable ? L’élucidation se révèle d’autant
plus difficile depuis l’engagement
de Lucy, la stagiaire éthiopienne, « une
belle mulâtre, de père européen et de
mère africaine, la quintessence des
amours de Maxence ». Destins croisés :
l’une des amantes du narrateur n’estelle
pas Almaze – Alma de Bonnecorse,
de son vrai nom -, la mère de la
nouvelle employée ?

Des relations au passé, au présent,
qui s’appellent et parfois se répondent.
Vacillement des certitudes, mais
demeure, solide, immuable, le désir
obstiné du narrateur – un féru d’archéologie
– de retrouver le tombeau de
la reine de Saba, « ce qui serait une
découverte plus extraordinaire que
celle du jeune pharaon Toutânkhamon
car faire d’une légende une réalité est
plus grand que faire d’une réalité une
légende ». Miroitement entre certains
visages féminins, ainsi celui de ladite
reine – « je suis noire mais je suis belle »
– de Lucy et d’Almaze. La quintessence
de la beauté n’est-elle pas figurée par la
conjugaison de ces trois femmes et ne
justifierait-elle pas la quête acharnée
menée par le narrateur, jusqu’à parcourir
les « Pavillons de Salomon » afin de
faire d’une fiction une réalité ?

Autre forme de miroitement : le
lac, révélateur, il se peut, d’une réalité :
« Je voyais la lumière scintiller sur
l’eau comme sur du métal et je me
suis dit : la vérité s’imposera telle une
lumière éclatante et alors je saurai si
j’ai vraiment voulu tuer quelqu’un… »
Une réverbération susceptible, il se
peut, d’explorer une mémoire encore
incertaine.

Habilement menées, ces intrigues se
tissent dans une logique très maîtrisée,
cela au travers d’une écriture limpide
d’où émerge, ici et là, le ton poétique
qui participe également du talent de
l’auteur.


François Berger, Les Pavillons de Salomon, éd.
L’Age d’Homme 2013, 20 €.