Audite fait revivre les moments inoubliables du Festival de Lucerne

musique • La compagnie allemande sort trois concerts, dont un enregistrement de 1969 de la 8ème de Dvorak par Georges Szell et la Philharmonie tchèque.

La compagnie allemande sort trois concerts, dont un enregistrement de 1969 de la 8ème de Dvorak par Georges Szell et la Philharmonie tchèque.

A l’occasion du 75e anniversaire du Lucerne Festival célébré en été 2013, Audite publie une série d’enregistrements de quelques concerts mémorables, gravés à partir des archives de la Radio Télévision Suisse. Trois CD, avec commentaires et photos, sont déjà sortis : le premier avec Clara Haskil et Robert Casadessus, dont a déjà rendu compte Gauchebdo, le deuxième avec Isaac Stern, le troisième avec Georges Szell.

Etonnante qualité
de remastérisation

Il faut relever d’abord l’étonnante qualité de ces remastérisations par Audite, une maison allemande fondée il y a 40 ans, qui a du reste remporté le prix « Label de l’année » aux International Classical Music Awards 2013. Ils utilisent les bandes originales avec pour objectif d’obtenir la meilleure qualité sonore, « mais dans le but d’améliorer l’idée du son historique et surtout pas de l’adapter à nos habitudes d’écoute actuelles », explique son directeur Ludger Böckenhoff. On remarque par exemple une autre balance entre le soliste et les orchestres qui jouaient alors en formation symphonique dans les concertos, d’où une marge de puissance qui permet des forte jamais forcés et des pianos nourris. Par ailleurs, certains tempi sont plus retenus, l’agogique plus libre, les vents moins agressifs. Cependant l’irremplaçable, c’est que chaque enregistrement apporte l’impulsivité du direct, la liberté d’interprétation née de l’inspiration du moment avec parfois, il est vrai, une petite imprécision ici ou là. Qu’importe quand le souffle de l’œuvre, son avance irrésistible, l’intensité de son lyrisme s’imposent avec une généreuse spontanéité. Mais pourquoi avoir ajouté des applaudissements qui n’apportent rien !

Exceptionnel concerto de Bartok avec Stern et Ansermet

De ces moments inoubliables, on retiendra comme exceptionnel le concerto de Bartok avec Isaac Stern en soliste et Ernest Ansermet à la tête de l’Orchestre du Festival (c’était en 1956). La sonorité du célèbre violoniste, ample, sans excès de vibrato, d’une incroyable justesse, sa virtuosité, plus encore son intelligence de l’œuvre dans une parfaite entente avec Ansermet font de ce CD une pièce unique dans la discographie des deux artistes. On passe d’un lyrisme recueilli à une violence rageuse, d’un chant sobre et calme à des appels tragiques, de rythmes tendus à des motifs dansants et l’on vit intensément la vérité de l’œuvre. Le disque commence par le Concerto pour violon de Tchaikovsky, joué en 1958 avec le même orchestre. La prodigieuse maîtrise technique, la conduite de l’archet qui creuse le son, la poésie sans mièvrerie, l’impétuosité toujours contrôlée de Stern font oublier que Lorin Maazel, à la direction, force le tempo du final sans désarçonner pour autant le soliste qui, entre la dernière note et le premier applaudissement, avait murmuré : « s’il croit qu’il peut diriger plus vite que je n’arrive à jouer… », ce qu’ont entendu ceux qui écoutaient la retransmission du concert à la radio mais qui a été effacé sur le CD !

Exceptionnel aussi l’enregistrement, datant de 1969, de la 8e de Dvorak par Georges Szell et la Philharmonie tchèque qui vivent cette œuvre intimement. Un vrai bonheur de la musique ! La verve populaire, les moments d’exubérance, à peine interrompus par quelques passages plus dramatiques, le côté rapsodique sont maîtrisés avec autorité et néanmoins souplesse, le chef se laissant aller, semble-t-il, à plus de liberté face au public que face aux micros. Et la couleur de l’orchestre, l’équilibre des registres, la chaleur des timbres émerveillent. Très belle version aussi d’une 1ère de Brahms donnée en 1962 avec l’Orchestre du Festival.

On attend impatiemment la suite de cette histoire sonore du Lucerne Festival.


Audite 95.623 (Clara Haskil), 95.624 (Isaac Stern), 95.625 (Georges Szell), www.audite.de