Dieudonné, une non-affaire inquiétante

Il faut le dire... • Rarement un tel niveau d’instrumentalisation d’une « non-affaire » aura été atteint : en proie à des difficultés quasi insurmontables, contraint d’attendre une hypothétique reprise économique pour être porté par la vague, incapable de tenir ses promesses et devant faire face à la déception, puis à l’exaspération d’une partie croissante de la population, le gouvernement...

Rarement un tel niveau d’instrumentalisation d’une « non-affaire » aura été atteint : en proie à des difficultés quasi insurmontables, contraint d’attendre une hypothétique reprise économique pour être porté par la vague, incapable de tenir ses promesses et devant faire face à la déception, puis à l’exaspération d’une partie croissante de la population, le gouvernement français a choisi d’agiter l’épouvantail Dieudonné comme on dresserait un vaste rideau de fumée. Le chômage, la précarité, l’endettement, les plans sociaux, le manque de logement, la situation des retraités ? A côté du danger représenté par un humoriste, ces préoccupations semblent reléguées au second plan.

Les interdictions des spectacles de Dieudonné posent des questions fondamentales. Jusqu’alors, la jurisprudence française avait toujours fait prévaloir les libertés de réunion et d’expression sur d’éventuels troubles à l’ordre public, lesquels pouvaient être constatés a posteriori : ce n’est désormais plus le cas. Une telle censure est inquiétante : chacun comprend que s’il est possible d’invoquer d’hypothétiques débordements pour faire interdire une réunion, il suffira que quelques individus menacent de les provoquer pour que tout rassemblement soit potentiellement interdit. Les organisations politiques contestataires seront les premières à en faire les frais, comme cela a toujours été. Qu’on se rappelle, en Suisse, de l’interdiction des partis communistes.

Ce n’est pas soutenir Dieudonné que de défendre la liberté d’expression. On peut, en un même mouvement, rejeter Dieudonné et l’interdiction de ses spectacles ; d’un point de vue progressiste, c’est même sans doute la seule posture possible. Ne soyons pas dupes : les attaques contre les libertés fondamentales se multiplient : le scandale des pratiques de la NSA n’est que le dernier en date.

Rien n’est jamais acquis : les grands principes qui fondent la démocratie doivent être défendus, en tout temps, et quelles que soient les circonstances.