Quito-Genève, aller simple pour Marina

Résidant à Genève depuis quatre ans, longtemps sans statut légal, cette Equatorienne a fini par obtenir une régularisation. Aujourd'hui, elle témoigne de son parcours et des conditions de vie des sans-papiers à Genève.

Aujourd'hui, Marina va bien mais auparavant, elle rasait les murs. Carlos Serra

C’est en 1999 que la vie de Marina bascule en Equateur. La dollarisation de la monnaie entraîne une catastrophe économique et son salaire de secrétaire dans une clinique ne lui permet plus de vivre. Tout de suite, c’est partir qui s’impose à elle et quand on vit en Amérique latine, la destination qui vient à l’esprit, c’est «Los Estados Unidos», les Etat-Unis. Pas question pour Marina d’y aller illégalement et elle entreprend les démarches pour un visa de travail. Administrations de tous les pays unissez-vous: lenteur, formulaires et le temps qui ne suspend pas son vol. Marina se tourne alors vers l’Espagne où vit sa sœur, qui l’encourage à venir. L’arrivée à Madrid est un choc culturel et Marina ne se sent pas heureuse dans cette ville. «Il faisait froid, je partageais une chambre avec 4 autres personnes et faisais des ménages.» C’est loin l’Eldorado? Elle a un permis, l’Espagne offrant à ses anciens colonisés quelques avantages. Après plusieurs années, elle demande la nationalité et l’obtient. Entre-temps, elle a réussi à valoriser son expérience de secrétaire: elle travaille dans le service RH de l’entreprise de nettoyage. Mais Marina n’aime pas sa vie et se sent attirée par un ailleurs. Une vague connaissance lui parle d’un contact en Suisse, à Genève. Son esprit s’emballe, elle part sans demander son reste.

Sur place, la petite Equatorienne est totalement perdue. Le contact ne peut plus l’accueillir, elle ne parle pas la langue de Molière, elle est seule. Nous sommes en 2011, impossible de retourner en Espagne avec la crise. Notre Marina ne se décourage pas, c’est une battante, une femme qui a du caractère. La communauté hispanophone est importante à Genève et elle trouve rapidement quelques pistes. On lui rédige des annonces offrant des ménages, des gardes d’enfants, qu’elle dépose dans toutes les Coop et les Migros. Les réponses ne tardent pas et une famille du quartier de la Jonction l’emploie. Ici, à Genève, elle est illégale. La famille veut la déclarer mais elle n’a pas d’adresse et les autres habitantes de la chambre, qui viennent du Honduras et de Bolivie, prennent peur. Elles n’ont pas de papiers et si quelqu’un est déclaré et que la police vient…

Alors Marina, commence un parcours souterrain en semi-embuscade car son passeport espagnol est un sésame inestimable, pourtant elle n’est jamais rassurée à 100%. Elle raconte «la peur de mes camarades. Elles n’osent sortir que pour travailler, elles rasent les murs, elles ne peuvent sortir de Suisse, certaines n’ont pas vu leur famille depuis 12 voire 15 ans.» Elle parle des conditions de travail souvent difficiles qu’il faut accepter, le manque de considération, l’invisibilité. En 2012 commence un autre combat, son fils de 7 ans la rejoint, il doit être scolarisé et pour cela il lui faut une adresse. Elle en trouve une. Il lui faut alors partager un salon avec plusieurs personnes et dormir par terre. «C’était très dur, j’étais triste, je ne savais pas comment faire pour trouver une meilleure situation.» Finalement, c’est la maîtresse de son fils, espagnole d’origine, qui va l’aider à remplir les papiers et à faire les démarches avec l’aide de la famille de la Jonction pour qui Marina travaille toujours. Une fondation lui offre un logement pour 6 mois avec un contrat de location, enfin une adresse, une vraie. Elle décroche un permis avec le soutien administratif du Centre de Contact Suisses-Immigrés et surtout grâce à son passeport espagnol.

Aujourd’hui pour Marina tout se passe bien. Son fils va à l’école et elle travaille légalement. Son avenir, elle le voit ici. Elle fait du théâtre, elle a des amis, elle fait partie d’une église. «Ma foi m’a permis de tenir dans les moments difficiles.» n

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