Le marathon, un domaine, au moins, où l’égalité avance au pas de course…

La chronique féministe • Les marathons se multiplient à travers le monde, accueillant toujours plus d’athlètes. Mais savez-vous que cette course a été interdite aux femmes jusqu’en 1969 et introduite pour les femmes dans les JO de 1984 seulement?

Les marathons se multiplient à travers le monde, accueillant toujours plus d’athlètes. Mais savez-vous que cette course a été interdite aux femmes jusqu’en 1969 et introduite pour les femmes dans les JO de 1984 seulement? Où va se nicher le sexisme, tout de même… Mais revenons en arrière.

Tout le monde connaît l’histoire. La bataille de Marathon (ville grecque située à 39 km au nord-est d’Athènes qui a donné le nom à ce sport) a eu lieu en 490 avant Jésus-Christ, et vit s’affronter les Perses et les Athéniens. La victoire de ces derniers sauva la Grèce de l’invasion perse. A la fin de la bataille, le soldat grec Philippides accomplit d’une traite la distance qui séparait le champ de bataille d’Athènes (40 km), où il devait apporter la nouvelle de la victoire. La légende dit qu’il eut juste le temps d’annoncer la victoire (nike en grec) avant de mourir.

Dans la Grèce antique, les Jeux olympiques sont des compétitions athlétiques, hippiques et de lutte (masculines) qui honorent Zeus, divinité suprême de la religion grecque. Ils sont organisés tous les quatre ans à Olympie depuis 776 av. J.-C. Les hommes sont nus, c’est pourquoi les femmes n’ont même pas le droit d’y assister.

C’est à l’issue d’un congrès organisé en 1894 à Paris par le Français Pierre de Coubertin qu’est créé le Comité international olympique (CIO) et que la capitale grecque est désignée première ville hôte. Il y aura 241 sportifs dans 9 sports différents pour un total de 122 médailles. Ce congrès décide également de l’exclusion des sportifs professionnels et des femmes au profit de l’amateurisme et du sexe masculin. Un sacré misogyne, ce Coubertin! Mais les JO de 1900 accueillent quelques femmes, en tennis et en golf uniquement. En 1912, on leur permet la natation et en 1928, l’athlétisme, merci, messieurs!

La course «marathon» a été créée à l’occasion des Jeux olympiques d’Athènes de 1896, sur une idée du philosophe français Michel Bréal, justement pour commémorer la légende du messager grec Philippidès. La distance était d’environ 40 km, mais c’est en 1921 que la distance fut définitivement fixée, officialisant celle des JO de 1908 à Londres où, l’épouse d’Edouard VII souhaitant voir le départ des coureurs, celui-ci fut donné sous les fenêtres du château de Windsor. De là jusqu’à la ligne d’arrivée dans le stade de Shepherd’s Bush (rebaptisé White City), face à la loge royale dans le stade olympique, il y avait 26 miles et 385 yards soit 42,195 km, distance adoptée depuis.

Si les hommes ont toujours pu participer au marathon, cette course était interdite aux femmes pour d’obscures raisons médicales. Selon plusieurs sources, la première femme à avoir bouclé l’épreuve mythique pourrait être une certaine Mélopène, jeune fille grecque qui courut le marathon de 1896 en 4h30, dans la clandestinité. La première marque officielle reconnue est la performance de l’Anglaise Violet Piercy, qui courut la course Windsor-Chiswick le 3 octobre 1926 en 3h40. On recense, en 1963, les 3h37 d’une jeune Américaine de 20 ans, Merry Lepper à Culver City. En 1965, Roberta Gibb Bingay, inscrite sous le nom de Bobby Lou Gibb, réalisait un temps de 3h27 au marathon de Boston. L’américaine Kathy Switzer, 20 ans, étudiante à l’université de Syracuse, boucla le marathon de Boston en 4h20 en 1967. Elle s’était inscrite sur la course déguisée en homme, fut démasquée après 3km, et un certain John Semple (nom resté célèbre pour cet acte assez irréaliste), bénévole, tenta de l’expulser, mais il fut éjecté à coups d’épaule par le fiancé de l’intruse, sous les applaudissements du peloton. Un photographe saisit la scène, ce qui fit beaucoup pour la cause des femmes. Ainsi Boston organisa sa première course ouverte aux femmes en 1969.

Kathy Switzer participa au total à 35 marathons, son meilleur temps personnel pour un marathon est de 2h51’37″, à Boston en 1975. Elle a été nommée Coureuse de la décennie (1967-77) par le Runner’s World Magazine et fut inscrite au National Women’s Hall of Fame en 2011 pour avoir encouragé la reconnaissance des femmes dans la course.

En 1982, le marathon fut ENFIN ouvert aux femmes pour les championnats d’Europe, suivi en 1984 par les JO de Los Angeles. Cette première fut marquée par l’arrivée titubante de la Suissesse Gabrielle Andersen-Schiess. Victime d’un coup de chaleur, elle divaguait d’un couloir à l’autre de la piste. Trois juges vont l’escorter, comme pour la maintenir debout à distance quand elle s’arrêtait, avant de repartir cahin-caha. «J’ai pensé un instant abandonner, mais c’était trop idiot, car la fin était si proche! Et puis il s’agissait d’un marathon pas comme les autres. L’instinct me dictait de continuer», confiera-t-elle. Finalement, elle termine 37eme en 2h48’42″. Devant elle, l’américaine Joan Benoit, première championne olympique de l’histoire, avait franchi la ligne en 2h24’52″, faisant mieux que Mimoun à Melbourne en 1956!

L’atout des femmes dans le sport est leur endurance. Elles ont plus de fibres lentes que les hommes (51% contre 46%) et oxydent deux fois plus de lipides qu’eux, ce qui leur permet de préserver leur glycogène musculaire. Leur masse de graisse (20% contre 10%), ne les handicape pas beaucoup en marathon. Mais s’il reste une différence sur les résultats entre les hommes et les femmes, c’est dû en particulier au VO2 max. (Le VO2max est le débit maximum d’oxygène consommé lors d’un effort: entre 25 et 70 ml/kg/mn chez la femme, entre 30 à 90 ml/kg/mn chez l’homme), le cœur de la femme a donc un débit car-diaque plus faible. A l’heure actuelle, seulement 11 minutes et 26 secondes séparent le recordman du marathon (2h03’59″ par Haile Gebreselassie, Ethiopie, le 28 Septembre 2008 à Berlin) de la recordwoman du marathon (2h15’25″ par Paula Radcliffe, Grande-Bretagne, le 13 avril 2003 à Londres).

Les femmes ne représentaient que 32% des marathoniens aux JO de Los Angeles 84, elles sont 45% aujourd’hui, pas loin de la parité. Voilà un domaine, au moins, où l’égalité avance…

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