«Berset va plus loin que Couchepin»

mobilisation • Présidente de l’AVIVO-Suisse et co-présidente de la Fédération des associations de retraités et d’entraide en Suisse (FARES), députée vaudoise du POP, Christiane Jaquet dénonce le projet de réforme de la prévoyance vieillesse 2020 concocté par Alain Berset, qui fera payer en premier lieu les femmes.

Pourquoi refusez-vous le projet «Prévoyance vieillesse 2020»? Ne faut-il pas, comme le vise cette réforme, assurer le financement des retraites à long terme?
Christiane Jaquet-Berger Il faut, en effet, garantir le financement du pacte social qu’est l’AVS, qui, dès les années 2025, devra intégrer l’arrivée à la retraite des «papys boomers». L’AVIVO demande depuis longtemps de modifier l’assiette des cotisations AVS qui n’a pas changé depuis des années (4,2% paritaires) et d’introduire la participation des revenus des gains en capitaux qui sont exemptés.
Mais le paquet Berset ignore superbement ce volant de financement et préfère proposer une diminution de la participation de la Confédération aux coûts de l’AVS! Il assèche ainsi l’AVS et impose en plus des baisses de prestations: suppression de certaines rentes de veuves et augmentation de l’âge de la retraite des femmes. Il ajoute une atteinte à l’universalité des rentes par l’introduction de mesures automatiques de flexibilisation du système et des rentes sans décisions démocratiques, au gré de la situation économique ou de l’ambiance sociale… Ce sont des modifications essentielles qui ne sont pas du tout nécessaires et qui sont de pures mesures de démantèlement du système par répartition. Même Pascal Couchepin, qui s’est fait retoquer deux tentatives de modifications de l’AVS, n’avait pas osé aller si loin! En outre, le paquet prévoit une augmentation de la TVA, une taxe antisociale s’il en est, et repêche la proposition de diminuer le taux de conversion du 2ème pilier, pourtant nettement refusée par le peuple sous une forme moins grave en 2010.
Nous ne pouvons accepter la volonté d’affaiblir le système par répartition de l’AVS qui est simple, transparent et solidaire. Ce démantèlement correspond à la volonté des financiers, des assureurs et de leurs missionnaires qui, depuis la création de l’AVS en 1947, n’ont cessé de la dénigrer et d’annoncer sa faillite. Pour eux, le système par capitalisation de la LPP est une bien meilleure source de profits. Le Conseil fédéral entre dans cette stratégie et veut faire de l’AVS la simple roue de secours du 2ème pilier. Ainsi, on déshabille Jean pour habiller Paul.

Qu’est-ce qui justifie que l’âge du départ à la retraite des femmes ne soit pas le même que celui des hommes?
Rien! A moins de croire naïvement que ce serait un moyen incontournable pour obtenir enfin l’égalité des salaires entre les hommes et les femmes? N’oublions pas qu’en 1995, l’âge de la retraite des femmes a passé de 62 à 64 ans. Vouloir la fixer maintenant à 65 ans n’est qu’une mesure d’économies qui vaut un milliard par an. Augmenter l’âge de la retraite sans créer des postes de travail est une absurdité et conduit à une augmentation du chômage.
Cette mesure est couplée à une deuxième attaque contre les femmes: la suppression des rentes de veuves des femmes dont les enfants ont atteint 18 ans ou de celles qui n’ont pas d’enfant. Cette dernière mesure, qui s’attaque au volet «survivants» de l’AVS, est une économie de 400’000 francs.
A la veille de la manifestation du 7 mars, l’Office fédéral des assurances sociales a senti qu’il fallait tenter de prouver le féminisme du paquet Berset et a publié une feuille d’information. On y lit la justification gouvernementale de la suppression des rentes de veuves: «C’est un vestige d’un modèle social révolu.» Et encore, je cite: «On peut raisonnablement exiger des femmes sans enfants qu’elles exercent une activité lucrative.» Plus loin: «Un âge de référence moins élevé pour les femmes ne se justifie plus, les femmes reçoivent leur rente pendant près de quatre ans de plus que les hommes en moyenne.» La messe gouvernementale est dite.

Quelles solutions préconisez-vous pour garantir à chacun une retraite digne et le financement de l’AVS? 
L’AVIVO est inquiète de la fragilité du 2ème pilier qui capitalise plus de 700 milliards hypersensibles aux taux négatifs et aux séquelles des crises financières. Agé d’à peine trente ans, le système LPP souffre déjà de l’allongement de l’espérance de vie. La gestion du 2ème pilier est hors de prix, au point que même le Conseil fédéral s’inquiète des 3 ou 4 milliards de coûts annuels de gestion.
En revanche, nous estimons que le premier pilier a fait la preuve depuis 1947 de sa solidité. Il a traversé les crises, les conséquences de la démographie et a même amélioré ses prestations. Nous demandons que l’on renforce ce système exemplaire, simple, transparent, bon marché et solidaire. Les cotisations récoltées durant l’année paient les rentes de l’année suivante, sans une stérile accumulation de capitaux. C’est pourquoi, nous estimons que la meilleure garantie d’une pérennité des retraites est de renforcer l’AVS au lieu de la démanteler et de faire glisser peu à peu le 2ème pilier dans le premier, en garantissant les droits acquis.

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