«Il nous faut former un front paneuropéen contre l’austérité»

Grèce • De passage en Suisse, la députée de Syriza Afroditi Stampouli a défendu l’action du gouvernement Tsipras et plaidé avec son parti pour la construction d’un projet de gauche à l’échelle européenne.

Vendredi 22 mai, c’est dans une salle pleine à craquer de la Maison des associations qu’Afroditi Stampouli a longuement pris la parole. Siégeant depuis 2012 à la Vouli, le parlement grec, dans les rangs de Syriza, cette médecin gynécologue du nord de la Grèce était de passage à Genève avec la Marche mondiale des femmes. Invitée par le «Groupe provisoire pour la constitution d’une association de soutien au peuple grec», elle en A profité pour donner de l’écho à l’appel lancé par son parti le 5 mai à «toutes les forces progressistes, sociales et politiques d’Europe, qui sont opposées à la stratégie néolibérale et austéritaire». «L’aboutissement de la confrontation engagée ne concerne pas que les Grecs, mais tous les Européens. Et, même s’il obtient un compromis honorable, le nouveau gouvernement grec ne parviendra pas seul à modifier la politique de l’Union européenne», a expliqué en français Afroditi Stampouli. «Nous devons former un front paneuropéen contre l’austérité et construire un projet de la gauche européenne avec un programme d’action commun. Modifier les équilibres en faveur de la gauche dans chaque pays est la condition nécessaire, non seulement pour gagner la lutte idéologique, mais aussi pour l’avenir de l’Europe elle-même. Si nous gagnions cette lutte contre l’austérité, nous ouvrons le chemin au développement, à la baisse du chômage, au rétablissement de l’Etat social et la protection des richesses publiques.» Pour la députée, «un des plus grands succès du gouvernement Tsipras est d’avoir internationalisé la question grecque en soulignant sa dimension européenne».

Priorité aux victimes de la crise
Sur le plan de la politique intérieure, Afroditi Stampouli a rejeté les critiques formulées par une minorité de Syriza selon lesquelles le cabinet Tsipras s’éloignerait du programme gouvernemental voté à Thessalonique en 2014. «Cela n’avance pas aussi vite que nous voulions, c’est vrai, mais, malgré les difficultés, la politique promise par Syriza a commencé», a assuré la politicienne, avant d’énumérer les mesures prises depuis quatre mois. «Le gouvernement a donné la priorité aux victimes de la crise et de l’austérité. Le logement, l’électricité et l’alimentation sont assurés à 180’000 foyers dans le besoin. Un décret ministériel garanti la couverture des soins médicaux de l’ensemble de la population, sans critères de revenu, la franchise de 5 euros des hôpitaux publics a été supprimée et les arriérés de salaire du personnel sanitaire ont été réglés», a détaillé la médecin. La parlementaire s’est félicitée aussi que soit sous toit un projet de loi sur les relations du travail. Les conventions collectives devraient être prochainement restaurées et le salaire minimum rétablit à 751 euros, soit le niveau qu’il avait atteint avant d’être réduit à 580 euros sous la pression des créanciers du pays. «Nous avons le soutien de l’Organisation internationale du travail et l’accord du président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, pour cette loi», a affirmé la Grecque. «3’600 licenciés du secteur public seront réembauchés, comme les femmes de ménage du Ministère des Finances ou les surveillants d’école.» A relever aussi qu’une loi sur l’humanisation des prisons a été votée, elle permet de diminuer la durée des peines et d’améliorer les conditions d’incarcération. Et que ERT, l’audiovisuel public brutalement fermé il y a deux ans, va pouvoir à nouveau émettre. Enfin, le pays, qui se situe dans un axe des flux migratoires, n’est pas insensible à la tragédie en cours en Méditerranéen: «La situation des migrants s’est améliorée, il n’y a plus de détention prolongée. Les migrants sont désormais considérés dans leur grande majorité comme des réfugiés, il n’y a pas de volonté d’expulsion. Le gouvernement Tsipras demande aux Etats européens d’assumer leurs responsabilités et d’accepter d’accueillir plus de réfugiés», a encore dit Afroditi Stampouli.

Une association de soutien au peuple grec
Pour le Genevois Paolo Gilardi, l’un des organisateurs de la rencontre avec Afroditi Stampouli, «il faut comprendre la fermeté de l’Union européenne et du FMI envers la Grèce comme la volonté que n’apparaissent pas des alternatives aux politiques d’austérité au sein de la forteresse Europe. Se battre pour le peuple grec, c’est se battre pour les peuples européens.» Oui, mais que faire ici en Suisse? «Selon le quotidien Die Welt, 600 milliards d’euros échappent au fisc grec et il y a de bonnes chances qu’une partie se trouve chez nous. Nous pouvons aider le gouvernement grec à lutter contre l’évasion fiscale en faisant pression sur le Conseil fédéral», répond le syndicaliste du SSP, en rappelant le précédent de la liste des citoyens étasuniens détenant un compte en Suisse livrée au gouvernement US. C’est donc l’une des tâches qui pourra être menée par l’association de solidarité avec le peuple grec, qui sera officiellement fondée le 8 juin prochain à Genève. «Il faut créer dans tout le pays, à la base, des comités de soutien au peuple grec», enchérit Josef Zisyadis. L’ancien conseiller national vaudois s’attelle aussi à former une section helvétique de Syriza «afin de permettre aux Grecs vivant en Suisse d’exprimer leur solidarité avec le pays». «Il s’agit de la seule expérience de transformation face une gouvernance européenne qui n’a pas de sens et nous mène droit dans le mur», souligne Luis Blanco, secrétaire syndical d’Unia-Genève à la retraite. Et de conclure: «Soutenir la Grèce, c’est ce qu’il y a de plus important aujourd’hui en Europe.»