No Bunkers, une démonstration d’efficacité

Genève • En quelques semaines à peine, le mouvement No Bunkers aura réussi à provoquer un débat significatif, ceci grâce à beaucoup de détermination ainsi qu'une démonstration de participation citoyenne. Retour sur un mouvement qui, à sa façon, fait bouger les choses.

«Plutôt prendre qu’attendre», clame la banderole No Bunkers. Un exemple à suivre pour tout-e-s? ©No Bunkers

Comment faire bouger les choses? Comment obtenir des résultats? Le mouvement No Bunkers nous en fait une démonstration efficace. Si depuis plusieurs années, le séjour de migrants en abri PC est critiqué de toutes parts, documenté, condamné par les médecins et considéré comme envisageable pour un séjour maximum de 3 semaines par la très sérieuse Commission nationale de prévention de la torture (alors qu’à l’heure actuelle, les requérants y demeurent souvent plusieurs mois), personne n’aura réussi, jusqu’à présent, à faire parler de ce sujet aussi largement que le mouvement No Bunkers de Genève. Il y a un peu moins d’un an, dans le canton de Vaud, une centaine d’Érythréens provenant de 5 abris différents se rebellait contre le logement en abri PC. Malgré le soutien d’employés de l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM), d’une trentaine de députés du Grand Conseil, de 18 organisations et partis de gauche, trois jours de grève de la faim et plusieurs manifestations, ils peinaient cependant à se faire entendre. En effet, dans l’imaginaire collectif, le principe de l’aide d’urgence, qui consiste à rendre les conditions de vie des requérants d’asile aussi désagréables que possible, au mépris des droits humains, ceci afin de les pousser à partir, est pratiquement entré dans la normalité. Par ailleurs, de plus en plus, ceux-ci, interdits de travailler et confinés sous terre, sont isolés des citoyen-n-es, ce qui rend la création de tout mouvement de solidarité de plus en plus difficile.

Il existe des logements à Genève!

Tout cela, le mouvement No Bunkers aura réussi à le dépasser, et surtout à obtenir de véritables résultats, soit à contrer l’éternel argument apporté en réponse à la problématique: celui de l’absence de logements, d’un marché immobilier tendu, de l’absence d’alternative, les autorités se présentant comme pieds et poings liés. Comment? En mettant les mettant devant le fait accompli. En occupant un lieu public en plein centre-ville et en décidant, face à l’absence de solutions acceptables, de prendre les devants en cherchant, lui-même, des solutions.

Et il semblerait bien qu’il existe des logements! Vendredi passé, les représentants de No bunkers se présentaient ainsi devant le Conseil d’Etat avec plusieurs propositions bien réfléchies. «Nous avons recherché des solutions immédiates, à moyen terme et à long terme», explique Pablo Cruchon, de solidaritéS. L’immeuble sis au 28, route de Meyrin, a ainsi été proposé en tant que solution à court terme. «A plus long terme, nous avons pensé à un bâtiment situé au 13 de l’avenue Henri Dunant. Nous avons aussi constitué une liste de terrains sur lesquels des containers modulables pourraient être installés relativement rapidement», ajoute le militant. Finalement, si le mouvement salue l’engagement du Conseil d’Etat à créer 1000 places d’accueil, il déplore le fait qu’aucun calendrier n’ait été établi. Ainsi, il entend «travailler sur un échéancier à long terme» afin que cette proposition soit concrétisée, précise Pablo Cruchon. Et de rappeler qu’à l’heure actuelle, plus de 100 personnes résident dans des bunkers dans le canton de Genève.

«Nous pouvons participer aux travaux»
Du côté du Conseil d’Etat, le responsable de la communication Laurent Paoliello nous assure que «ce n’est pas si simple» et que des solutions sont recherchées de longue date. Le bâtiment de la route de Meyrin ne figurait pas parmi celles envisagées, notamment du fait qu’il était destiné à une autre fin, qu’il ne dispose pas d’eau courante et nécessiterait des travaux pour être rendu habitable. Si la possibilité est évaluée, «il ne s’agit donc pas d’une solution immédiate», précise le porte-parole. A l’heure ou nous bouclions, le département attendait un rapport du service du feu évaluant le coût d’une éventuelle transformation. Malgré cela, les militants fondent beaucoup d’espoir dans ce bâtiment. «Nous sommes même prêts à participer aux travaux avec les requérants», explique Aude Martenot. En attendant une solution de plus long terme, des issues immédiates ont été trouvées du côté de la ville de Genève avec, à l’heure ou nous bouclons, un déménagement prévu soit à l’église du Sacré-Cœur, soit à la salle du Faubourg. Des lieux qui devraient accueillir les militants jusqu’à la mi-août.

«Plutôt prendre qu’attendre», clamait une banderole à la fenêtre du 28, route de Meyrin lors de la manifestation de vendredi dernier. Alors que le canton de Vaud vient d’annoncer la réouverture de l’abri PC du Mont-sur-Lausanne et prévoit d’en ouvrir d’autres, «faute d’autres solutions», on peut espérer que le mouvement No Bunkers en inspirera d’autres et, qui sait, que toutes les personnes en quête de logement sur l’arc lémanique s’en inspirent également. Le seul moyen, peut-être, de trouver de vraies solutions?