Réflexion après une défaite, façonner l’avenir

Grèce • Dans le cadre du débat provoqué par les renoncements de Syriza, Elena Portaliou, ex-membre de Syriza qui a rejoint le nouveau parti Unité populaire tente d'esquisser une feuille de route pour continuer la lutte contre l'austérité, malgré les découragements.

Quand nous essayons de faire le point de la défaite électorale du 20 septembre et des mauvais résultats de l’Union Populaire, nous disons qu’on nous a volé le temps pour nous y préparer. Nous oublions alors que la gestion du temps appartient au pouvoir, qui emploie des stratégies de guerre pour surprendre et disloquer le camp anti-memorandum.

La blessure subie par ceux qui ont participé aux luttes sociales et à la construction du Syriza ne cicatrisera pas avec la continuation expéditive des luttes. Il faut se demander pourquoi les tendances organisées de Syriza et les militants actifs qui ne partageaient pas la stratégie tacite de l’entourage du président ne voyaient pas ou ne voulaient pas voir que l’affrontement avec les « institutions » n’aurait pas lieu, parce que nous n’étions pas armés pour et ne l’avions d’ailleurs pas envisagée.

Le NON de quelques député(e)s (ndr. : quand le Parlement fut invité à entériner l’accord du Premier ministre avec les créanciers) a fissuré l’unité du groupe parlementaire de SYRIZA, qui acceptait sans aucune pudeur de servir de médiateur pour que le peuple accepte sa propre ruine. S’il n’y avait pas eu ces NON au parlement, ni les NON du départ massif de milliers de membres du parti, nous aurions des raisons de croire que Syriza n’a été qu’une chemise vide, une appellation qui désigne maintenant une entité toute différente.

Déception et abstention
La signature du troisième memorandum a dissipé les dernières illusions, par ailleurs inexcusables.Il nous faut repenser nos trajectoires tant collectives qu’individuelles. Le choc d’un réveil brutal peut devenir libérateur. Nous aurions peut-être aussi pu accélérer le rythme politique comme nos adversaires, et inscrire des actions radicales qui annoncent l’ère nouvelle de résistances et la démarche nouvelle de l’Unité Populaire. L’Unité Populaire a démarré dans la hâte. Ceux qui ont pris l’initiative de sa création, ont agi en accord complet avec leurs convictions politiques de toujours, mais ils ont entrepris une démarche collective comme si c’était un choix personnel les concernant individuellement. Ils ont ainsi raté la communication avec le corps électoral désireux de conserver certains modestes acquis, qui penchait pour ceux qui paraissaient les meilleurs gestionnaires du mémorandum, Syriza.

Par ailleurs, le corps électoral, qui depuis le premier memorandum se trouve progressivement marginalis, n’attend rien des élections et vient grossir le rang des abstentionnistes. L’abstention lors du dernier scrutin n’exprime pas seulement la résignation mais aussi la défiance envers le système politique tout entier et/ou envers un changement par Syriza. Quant aux citoyens qui ont préféré exprimer leur opposition au memorandum par le moyen catégorique de l’abstention, on peut estimer qu’ils auraient pu nous soutenir et nous permettre de continuer les luttes aussi depuis le Parlement.

Un projet pour les forces vives
Nous avons perdu une bataille mais pas la guerre, ont déclaré, le soir des élections, les porte-paroles de l’Union Populaire. Ce parti veut créer un front populaire, social et politique. Comment après l’échec ou la « trahison » du Syriza nous sera-t-il possible d’afficher le même but, en brandissant cette fois l’arme de la sortie de la zone euro ? A vrai dire, les gens des milieux populaires ont perdu la confiance en eux ou l’espoir secret que la baguette magique du vote transformera le monde. Par ailleurs, ils doivent mener une lutte quotidienne pour gagner leur vie et assurer leur survie. Selon une thèse, plus les gens sont ruinés, plus ils seraient prêts à se révolter ; c’est inexact, du moins en Europe. Il faut un projet mobilisant les forces sociales vives. Il faut des réponses à des questions difficiles et non des plate-formes qui ne sont que des rapiéçages de mots. Il faut des recompositions et des confrontations sociales, des fronts populaires en Grèce et des fronts de solidarité en Europe et dans le monde entier.

Tout d’abord, nous devons changer nous-mêmes. L’assemblage de petites formations aux discours et actions éparses d’aujourd’hui, doit céder la place à un puissant courant politique et idéologique nourri d’exemples historiques et contemporains. La démocratie doit devenir la règle de notre existence collective, sociale et politique.

Elena Portaliou

Traduit du grec par Anna Spillmann