Le 6 décembre, les Vénézuéliens auront à élire leurs représentants au Parlement. Des élections qui, selon de nombreux observateurs, pourraient voir la victoire du MUD (Table de l’unité démocratique), qui regroupe 25 partis d’opposition de tendances distinctes, et marquer ainsi la fin de 16 ans de chavisme dans le pays. En cas de victoire, l’opposition devrait toutefois cohabiter avec le président Nicolas Maduro, dont le mandat s’étend jusqu’en 2019.
Ces élections interviennent dans un pays qui traverse une importante crise économique notamment en raison de la chute des cours du pétrole, matière première sur laquelle repose largement l’économie vénézuélienne. S’y ajoute une inflation galopante, dont les chiffres varient de 80 à 200% selon la tendance politique des analystes. Malgré cela, le président Nicolas Maduro, affirmait lors d’une visite récente à Genève qu’«il n’y a pas de hausse de la pauvreté. Nous n’avons jamais eu un taux de chômage aussi faible et nous créons des emplois de qualité.». Celui-ci vantait également la construction de logements sociaux et le maintien du système de santé ouvert à tous. «En 2015, les difficultés économiques ont mis notre modèle à l’épreuve, mais nous en sortons vainqueur, l’Etat social des missions est viable», ajoutait encore le dirigeant, dans des propos rapportés par le quotidien Le Courrier.
Une pénurie instrumentalisée
Le pays doit en outre faire face à un important phénomène de pénurie de biens de première nécessité, qui, selon certains observateurs, serait même accentué volontairement par l’opposition pour surfer sur le mécontentement de la population. Dans un entretien accordé à la Tribune de Genève en avril dernier, le journaliste Ignacio Ramonet, ancien rédacteur en chef du Monde Diplomatique et fin connaisseur du Venezuela, affirmait ainsi que «les pénuries sont dues à de nombreuses causes, notamment structurelles. Avant l’arrivé de Chavez, il y avait plus de deux tiers de pauvres au Venezuela. Avec le plein-emploi et un salaire minimum élevé, c’est aujourd’hui la totalité des Vénézuéliens qui consomment. La demande est constamment en hausse. A tel point que les importations augmentent de 10 à 15% chaque année. (….) Mais il faut également savoir que des secteurs d’opposition s’organisent pour aggraver le problème de pénurie sur certains produits symboliques, comme le papier toilette».
Maurice Lemoine, lui aussi ancien rédacteur en chef du Monde Diplomatique et spécialiste de l’Amérique latine, y voit même une tentative de déstabilisation du gouvernement chaviste orchestrée par les Etats-Unis: «Le sabotage économique qui provoque aujourd’hui pénuries et files d’attente au Venezuela est l’exacte réplique de la politique appliquée au début des années 1960 à Cuba, après que Washington a secrètement déterminé que ‘’le seul moyen envisageable de détourner le soutien interne est de créer la désillusion et le mécontentement fondés sur l’insatisfaction économique et les privations (…) pour provoquer la faim, le désespoir et le renversement du gouvernement’’», affirmait-il ainsi en mai dernier dans un entretien accordé au quotidien français l’Humanité.
Pour le journaliste, auteur d’un ouvrage sur le sujet, plusieurs des gouvernements latinoaméricains comme la Bolivie, l’Equateur ou le Honduras auraient été victimes de cette nouvelle forme de tentative de coup d’Etat. Une thèse également défendue par Nicolas Maduro lors de sa récente visite à Genève, où il affirmait, selon des propos rapportés par Le Courrier, être victime d’un «harcèlement permanent», notamment des Etats-Unis.
Une opinion internationale opposée au chavisme
Peu de journalistes cependant défendent ces positions, la plupart des médias et ONG occidentaux condamnant un régime chaviste «autoritaire», qui ne respecte pas les droits humains, pointant notamment l’arrestation d’opposants politiques et passant sous silence les nombreuses avancées sociales auxquelles celui-ci a contribué, touchant en particulier les plus pauvres – des avancées pourtant reconnues par Henrique Capriles, candidat de l’opposition à la présidentielle de 2012 contre Maduro. Et d’encenser, dans la foulée, des personnages comme Leopoldo Lopez, récemment condamné à 13 ans de prison pour avoir incité à la violence lors des manifestations antigouvernementales de 2014, qui avaient fait 43 morts et des centaines de blessés, présenté comme un défenseur de la liberté, sans véritablement se pencher en détail sur son parcours, son discours politique ou la nature de ses soutiens.
Grave crise économique, pénurie, tentatives de coup d’Etat en sous-main ou non, controverses sur la question des arrestations d’opposants, opinion internationale largement défavorable au chavisme… Dans un tel contexte, les observateurs craignent que le résultat des élections du 6 décembre, quel qu’il soit, puisse être contesté et/ou provoquer une nouvelle déstabilisation du pays. Affaire à suivre.