Ne plus jouer avec la nourriture!

28 février • L’initiative de la Jeunesse socialiste contre la spéculation sur les denrées alimentaires sera soumise au peuple le 28 février prochain. Selon les initiants, elle permettrait de lutter contre la hausse des prix des denrées alimentaires et la pauvreté qui s'ensuit. Eclairage.

«On ne joue pas avec la nourriture». Ce slogan pourrait résumer la campagne en faveur de l’initiative contre la spéculation sur les denrées alimentaires, qui réunit une large alliance qui va du PS au Verts en passant par diverses organisations humanitaires, des organisations chrétiennes et des organisations d’agriculteurs. Pour les initiants, «les denrées agricoles ne sont pas un produit comme un autre. Elles sont nos moyens de subsistance». La spéculation les concernant devrait donc être interdite, car elle a des conséquences néfastes. Sur leur site de campagne, ceux-ci replacent l’initiative dans le contexte de la crise alimentaire et de la hausse extrême du prix des denrées dans le monde en 2007 et 2008. «Les causes de cette situation sont d’une part de mauvaises récoltes, la croissance de la population mondiale de l’autre. Mais ces facteurs seuls ne peuvent pas expliquer les augmentations extrêmes des prix des denrées, comme le démontre une étude de la CNUCED. La financiarisation du marché des matières premières a créé et multiplié les bulles spéculatives sur les prix, comme ce fut le cas en 2007/2008 et en 2011. En conséquence, les populations des pays en développements n’ont plus les moyens d’acheter de la nourriture et souffrent de la famine, cela même si les hausses de prix sont de courte durée».

Les pays du Sud sont les grands perdants
Pour faire face à cette situation, l’initiative propose d’interdire, pour les entreprises qui ont leur siège ou une succursale sur territoire suisse, les paris boursiers touchant le domaine vital qu’est la nourriture, et ainsi supprimer la spéculation financière uniquement intéressée par des gains à court terme. «Le spéculateur n’a pas de vision à long terme, celui qui gagne trois millions en trois secondes ne produit rien, il joue au casino, et ceux qui perdent sont toujours les producteurs et les consommateurs», s’exclamait Samuel Bendahan, docteur en sciences économiques, lors de la conférence de presse donnée par le comité de soutien à l’initiative. «La Suisse ne peut plus abriter et soutenir des entreprises transnationales qui bâtissent leurs richesses sur la misère de millions de personnes», poursuivait Ilias Panchard, co-président des jeunes Verts suisses. Les initiants rappellent en effet que les pays du Sud sont les grands perdants. «Sur notre planète, une personne sur neuf ne mange pas à sa faim à cause d’une famine programmée. Il y a actuellement au niveau mondial un problème climatique, de pauvreté et de migration, qui pourrait largement être endigué si l’on favorisait la production et l’économie locales», estiment-ils. Muriel Waeger, vice-présidente de la Jeunesse socialiste suisse, rappelait quant à elle que même le Pape, en 2013, dénonçait «la spéculation financière qui conditionne le prix des aliments, en les traitant comme n’importe quelles marchandises, oubliant leur destination première qu’est l’être humain».

Un constat basé sur de nombreuses études

Mais que répondent les initiants aux opposants à l’initiative, qui affirment que l’impact de la spéculation sur les prix des denrées n’est que minime? «Un très nette majorité des études (listées sur le site de la campagne pour le oui, ndlr) qui se sont penchées sur le problème établit une relation entre l’augmentation des prix et la spéculation ou ne peut pas définir de relation. Seules 13% des études (dont la validité est contestée par les initiants, ndlr) disent que la spéculation stabilise les prix. C’est pourtant sur cela que se basent economiesuisse, l’association suisse des banquiers et l’organisation de lobbying Commodity Club pour déclarer que la spéculation n’a pas d’influence sur l’augmentation des prix», affirme l’argumentaire des auteurs de l’initiative. Ceux-ci estiment en outre que «même si cette spéculation ne devait avoir qu’un seul pourcent d’influence, les conséquences plaideraient pour un OUI clair à l’initiative».

L’argument mensonger du risque de délocalisation
Quid de l’autre argument brandit par les opposants, soit le risque de départ de nombreux négociants en matières premières établis en Suisse, tels que Cargill par exemple, ou des banques qui pratiquent la spéculation, et de la perte d’emplois et de recettes fiscales qui s’ensuivraient? «C’est un mensonge. L’initiative ne touchera que la spéculation, qui demeure une activité marginale pour ces acteurs. Le négoce en tant que tel continuera en outre à être possible», explique François Clément, collaborateur de la campagne en faveur du «oui». En conférence de presse, le comité de soutien à l’initiative rappelait également que la pratique de la spéculation ne génère pas d’emplois ni de recettes fiscales. «Nous devons mettre des barrières au monde financier, parce que demain qui sait s’il ne voudra pas spéculer sur l’air ou l’eau!» s’exclamait Muriel Waeger. Rudi Berli, agriculteur et membre d’Uniterre, rappelait pour sa part que «pour les paysans, il est important d’avoir des prix fixes et que pour cela il faut réduire la volatilité des prix impactés par la spéculation, et ne plus laisser tous les pouvoirs aux intermédiaires notamment aux financiers». Et d’appeler à soutenir un projet, qui, selon lui représenterait «un premier pas pour favoriser une économie qui se préoccupe de l’avenir de notre planète. En disant oui le 28 février prochain, la Suisse pourrait lancer un signal fort au monde entier!» L’appel est lancé.