Le 22 septembre 2013, la révision de la loi sur le travail concernant l’ouverture des shops 24 heures sur 24 était acceptée en votation populaire par 55,8% des votants. Seuls 5 cantons (Jura, Neuchâtel, Fribourg, Valais et Uri) s’opposaient à ce que le Parti Suisse du Travail-POP interprétait comme «un premier pas vers une libéralisation des heures d’ouverture dans le commerce de détail en Suisse». Dans son communiqué publié le jour des votations, le PST-POP prévoyait que cette étape ne serait que la première d’une longue série d’attaques du patronat contre la limitation du temps de travail des vendeurs et des vendeuses.
Magasins ouverts de 6 à 20 heures
Et la prédiction s’est confirmée. Le lundi 29 février dernier, le Conseil national a accepté par 122 voix contre 64 le projet de loi fédérale sur les heures d’ouverture des magasins (LOMag) proposé par le Conseil fédéral en réponse à la motion du Conseiller aux États PDC Filippo Lombardi. Prétextant un besoin d’harmonisation, le grand actionnaire de la holding TImedia demandait que les cantons autorisent aux commerces de détail d’ouvrir au moins de 6 à 20 heures du lundi au vendredi et de 6 à 19 heures le samedi. Le Conseil fédéral lui-même, dans son rapport sur la consultation, admet que le projet est controversé et signale que si un grand nombre des réponses reçues était favorable à la nouvelle loi, c’est aussi parce qu’«un grand nombre d’entreprises de la branche du commerce de détail a pris position individuellement en plus des associations faîtières». La grande majorité des cantons, les syndicats, les partis de gauche et le PEV (Parti évangélique suisse) rejetaient en revanche la mise en œuvre de la motion Lombardi. Tout comme le Conseil des États, qui a refusé l’entrer en matière sur le sujet. La balle est maintenant à nouveau dans son camp: s’il refuse à nouveau le projet, la LOMag sera abandonnée. S’il l’accepte, nous pourrons bientôt faire nos commissions à 6 heures du matin dans toute la Suisse.
Consacrer son temps libre à autre chose?
Cette tendance à la libéralisation en inquiète certains. Comme l’a souligné le conseiller national Denis de la Reussille dans sa prise de position, «les modifications se feront au détriment des travailleuses et des travailleurs concernés, alors que leurs conditions de travail sont déjà particulièrement précaires». Le syndicat UNIA a d’ailleurs récemment publié un sondage révélant que 96% des sondés dans le secteur s’opposeraient à la nouvelle LOMag. Rien d’étonnant, puisque, comme l’a rappelé Denis de la Reussille, «les horaires qui font travailler tard le soir, les horaires morcelés et le travail sur appel sont déjà la cause de l’augmentation du stress et des cas d’épuisement professionnel, appelés aussi burn-out, chez les travailleuses et travailleurs et empêchent toujours plus de concilier vie de famille et vie professionnelle». Par ailleurs, au-delà de la péjoration des conditions de travail qu’elle représente, la LOMag pose une question fondamentale: voulons-nous accepter un modèle de société qui fait de nous des consommateurs et des consommatrices 24 heures sur 24? S’il est normal que certaines activités fonctionnent sans arrêt (hôpitaux, transports publics…), on peut en revanche douter que l’ouverture de supermarchés à toute heure du jour et de la nuit représente un progrès. S’opposer à la LOMag et à toute volonté de libéraliser largement les heures d’ouverture de certains commerces, c’est défendre le personnel de la vente, mais c’est également dire que nous, citoyennes et citoyens, voulons consacrer notre temps libre à d’autres choses qu’à la désormais sacro-sainte consommation.