De l’eau du Léman dans le gaz de schiste

Vaud • Après celles de Noville, les autorités de Villeneuve ont interdit la marche de protestation contre le forage exploratoire de gaz de schiste dans le Léman. Interview de Pierre Martin, porte-parole du collectif Halte aux forages.

Samedi une manifestation anti-forage a été annulée à Villeneuve. C’est la deuxième fois dans la région depuis l’interdiction en mai d’un rassemblement à Noville. Retour sur ces événements avec Pierre Martin, porte-parole du collectif citoyens «Halte aux forages Vaud».

Comment s’est créée cette association Halte aux forages?  

Pierre Martin Il y a quelques années, nous avions reçu une lettre tous-ménages de promoteurs de forages qui annonçait que notre commune de Thierrens était retenue pour héberger un forage de gaz de schiste. A l’époque la municipalité n’en pensait rien parce qu’elle n’était pas au courant. Elle avait simplement reçu le même courrier que les habitants. Dans ce contexte les habitants se sont alors mobilisés pour créer le collectif «Halte aux forages».

En quoi ce genre d’explorations en sous-sol sont-elles dangereuses?

La COP 21 a mis les points sur les i, tout ce qui touche à l’hydrocarbure et aux énergies fossiles, il faut s’en passer. C’est une donnée connue, réaliste et jouable. Les gens d’ici ont alors réagi aux projets de forage, en y voyant une menace réelle pour les sources et l’eau potable. Le gaz de schiste -comme tous les forages d’ailleurs, a une technique de pression qui peut mettre en danger les ressources aquifères. Cet argument a été le plus évident pour s’opposer à ces forages. Les embouts contiennent des produits chimiques afin de lubrifier le forage. S’ils se déversent à 2’000 mètres sous terre, il n’y a pas de remède, c’est irréversible. Le risque de pollution peut survenir longtemps après que les sociétés extractrices ont gagné tout l’argent qu’elles voulaient et sont parties ailleurs, en laissant la population avec le 100% des problèmes sans que celle-ci ait touché un centime. Dans un village, statistiquement 50% des habitants sont pour un projet, alors que les 50 autres sont contre. Il faut donc fournir une meilleure information à la population et non des débats avec des promoteurs beaux parleurs accompagnés d’ingénieurs qui tentent de vendre leurs salades. Il faut éclairer les citoyens honnêtement. Nous avons donc rencontré différentes municipalités du canton, dont certaines pressenties pour accueillir des forages, dans le but de les sensibiliser, en mettant en avant les risques.

Une première manif prévue au printemps a été interdite par le syndic UDC de Noville, puis une deuxième manif, samedi dernier à Villeneuve, a été annulée sur place alors qu’il y avait une centaine de manifestants présents. Pourquoi ces manifestations sont interdites? Quels sont les arguments des autorités de Villeneuve et Noville?

Jusqu’à jeudi soir, les deux municipalités n’avaient pas autorisé cette manifestation, puis il y a eu deux recours, qui étaient pendants au tribunal. Vendredi le tribunal a cassé les décisions des municipalités. Dans un premier temps, Villeneuve,a dit oui vendredi soir à la manifestation, puis a changé d’avis. L’interdiction de samedi matin est basée sur le fait que vendredi soir le tribunal n’a finalement pas voulu se prononcer, car il n’avait pas tous les éléments pour se déterminer sur le fait que notre marche pourrait représenter un danger pour le site de forage. Comme le cas est toujours pendant au tribunal, on ne peut pas, à mon sens, reprocher à la municipalité de Villeneuve d’avoir pris cette décision,. S’il y avait eu un problème x ou y, la municipalité aurait été très mal prise. Vendredi soir, les promoteurs ont aussi fait le tour des rédactions de la presse pour demander de démentir et de dire que rien n’’était autorisé,. J’en ai vu l’effet, toutes les rédactions m’ont contacté pour savoir à quoi s’en tenir. Ces démentis dans la presse matinale ont fait qu’il y avait moins de gens que prévu samedi. Notre bref rassemblement est resté bon enfant. La syndique de Villeneuve est venue serrer la main des manifestants et tenter une explication, mais elle avait vraiment le derrière entre deux chaises. Cette manifestation a permis de nous faire entendre dans une région où il est difficile de rentrer en contact avec des municipalités ouvertes à nous accueillir pour faire part de nos craintes.

Je suppose que vous n’allez rien lâcher, quelle est la suite de votre combat ?

Selon toute probabilité oui il y aura une nouvelle manif. Le Grand Conseil débattra prochainement du projet de loi sur les ressources naturelles du sous-sol, qui vient d’être soumis aux groupes parlementaires. Le texte ne mentionne pas d’interdiction de forages. Notre but dans les prochains temps est de rencontrer les partis, d’avoir des discussions et de les alerter sur ce point primordial, qui malheureusement manque dans la loi. D’autant qu’une pétition avait été déposée en 2015 avec 15’000 signatures pour demander des interdictions contre les exploitations de forage en sous-sol dans le canton de Vaud.