Passer la parole de ceux qui ne l’ont pas

Chanson • «Ce qui compte avant tout pour moi, c’est que ce que je fais soit vrai, sincère, et que cela réveille dans la tête des gens des zones parfois un peu endormies. Ça s’appelle les sentiments, les émotions, les envies de révolte», affirme Christian Paccoud, que nous avons interviewé. A voir en concert le 24 septembre à l’association de défense des chômeurs de Lausanne.

Christian Paccoud, c'est une voix tonitruante qui vient des tripes pour appeler à la mobilisation et à la solidarité sur les notes de son piano à bretelles. ©Ghislaine Mathieu

Poète musicien et metteur en scène atypique, Chrisian Paccoud conçoit son rôle d’artiste comme celui d’un «passeur» d’émotion et de la parole de ceux à qui l’ont ne la donne pas. À travers ses chansons et dans ses créations à partir de textes d’autres auteurs, il apporte de la poésie et un peu d’espoir et d’humanité dans la grisaille du quotidien. Qu’il chante, avec son accordéon, les occupations d’immeubles dans «Avenue du dragon», la nécessité d’entretenir la révolte ou l’espoir dans «Anarchie ma blanche», il a cette volonté de défendre une chanson populaire au sens noble du terme. De créer et chanter pour et avec les gens, loin des sirènes du show-business. Un artiste qui agit et travaille dans les marges de notre société si prompte à l’exclusion de tout ce qui n’est pas conforme.

Comment êtes-vous arrivé à la chanson?
Christian Paccoud J’ai fait mes premiers pas en 1976 à Cherbourg puis je suis monté à Paris en 1980. Je me suis mis à jouer avec Alain Féral, leader d’un groupe qui s’appelait «Les Enfant terribles». J’ai tourné avec lui dans les cabarets parisiens pendant trois ans. Puis il a arrêté de chanter et j’ai tourné avec mes propres chansons dans les mêmes cabarets parisiens à raison de 3 à 4 cabarets par jour jusqu’en 1986. C’était «l’école de la chanson».

Je me suis retrouvé programmé aux découvertes du Printemps de Bourges; «révélation du Printemps de Bourges 1986». Parallèlement, j’ai rencontré Claude Duneton, historien de la chanson. Avec lui, j’ai découvert ce qu’était la chanson ouvrière au 19ème siècle et quel était le rôle de la chanson populaire. Après le succès de Bourges, j’ai ainsi décidé de retourner sur une route populaire au vrai sens du terme. Pendant très longtemps, j’ai refusé de faire tout album, aucun support enregistré. Je n’ai enregistré le premier qu’en 2000.

Vous êtes donc un chanteur de scène et plus que d’album?
Oui. Ce qui m’intéresse c’est la scène, le théâtre, c’est monter des spectacles sans micros. Je n’ai fait qu’un seul disque avec des musiciens «Des roses et des chiens». Après, j’ai fait un album en live, enregistré en une seule prise: «Notre poème est à nous». L’album blanc «Ca compte pas» a été enregistré en deux après-midis. Les disques sont là pour que les copains et les gens qui assistent aux concerts gardent une trace des chansons. Je n’aime pas beaucoup quand on triche et souvent, quand on fait un disque, c’est pour le vendre, on y met des couleurs qui ne vont pas se retrouver sur scène.

Ce que je fais, ce que je raconte il n’y a pas de producteurs pour produire ça. Je suis donc un peu forcé de tourner tout seul ou alors, depuis quelque temps, avec quatre filles, les «Sisters», sur des spectacles que nous avons créés ensemble. C’est parce qu’elles sont très sympas et dans la même mouvance. Si l’on voulait tourner au minimum syndical et assurer des salaires réguliers pour tout le monde ce ne serait pas possible.

Vous travaillez également en milieu institutionnel, avec des jeunes en difficulté, est-ce une volonté d’aller vers autre chose?
Cela s’est fait naturellement. Un jour j’ai rencontré quelqu’un qui m’a dit: «Viens chanter pour des jeunes qui sont dans la merde, qui vivent dans une maison». J’y suis allé, on s’est rencontré, il s’est passé quelque chose et j’ai constaté que la chanson leur faisait beaucoup de bien. Ce sont des choses de la vie. Je ne me suis jamais demandé comment je ferais pour gagner ma vie, et voilà je vis et cela se passe bien. Dans tout ce que je fais, ce qui compte avant tout pour moi, c’est que ce soit vrai, sincère, et que cela réveille dans la tête des gens des zones parfois un peu endormies. Ça s’appelle les sentiments, les émotions, les envies de révolte. C’est le travail du poète de faire que les gens repartent un peu «nourris».

Avec les «Sisters» vous avez monté un spectacle qui s’appelle «Les Magnifiques». Comment est-il né?

«Les Magnifiques» est une espèce de liqueur que nous avons créée à partir de ce que nous avons collecté dans le cadre d’ateliers en milieux éducatif et psychiatrique. C’est la volonté de ne pas laisser ce travail dormir dans des archives. Le point de départ a été la réalisation d’un double album avec Didier Aubry. C’était la première fois que nous avions les moyens au niveau des musiciens et du studio d’enregistrement. Après le disque est venue l’idée d’en faire un spectacle avec les quatre chanteuses- comédiennes, les «sœurs Sisters». Ce spectacle a été d’abord présenté dans les bistrots, qui sont les lieux les plus difficiles pour retenir l’attention des spectateurs. Nous avons constaté qu’il fonctionnait et depuis, nous le présentons dans de nombreux lieux à travers la France.

Christian Paccoud chantera le 24 septembre à 20h30 dans les locaux de l’Association de défense des chômeuses et chômeurs, rue du Maupas 81, à Lausanne. Apéro dès 19h.