La colère des profs, prélude à une grogne générale?

Neuchâtel • Mardi, près de 50% des enseignants se sont mis en grève, selon les syndicats. Ils protestent contre les coupes dans leurs salaires. Mais c’est l’ensemble des prestations publiques qui est menacé. Une manifestation contre l’austérité est prévue pour le 26 novembre.

La pensée unique économiste, à la mode partout dans le monde, a fait d’énormes dégâts et promet aussi d’en faire dans notre pays. C’est aujourd’hui au tour de l’éducation, qui n’est plus conçue comme un droit de la population mais comme un investissement qui doit être rentable. Petit à petit s’impose l’idée de l’éducation comme entreprise: elle est détournée de son but qui est l’épanouissement de l’être humain et de la société. Nous assistons à la substitution progressive de la réflexion pédagogique par le jargon de la gestion. La priorité aujourd’hui, pour les responsables de l’éducation, est le redressement des finances, le pilotage du programme des réformes de l’État, la centralisation des achats, la réforme de la politique salariale, la gestion des enseignants, la gouvernance des partenariats, la refonte de la structure budgétaire, l’administration des ressources humaines…

Couper alors que les travailleurs paient trois fois plus d’impôts
Cette conception néolibérale de l’éducation est à l’origine du conflit qui oppose les enseignants neuchâtelois à l’Etat à propos de la nouvelle grille salariale, parce que le but de l’Etat est de diminuer les coûts des prestations. Cependant, ce n’est pas là l’unique cause du problème, il faut aussi comprendre que l’austérité répond à une conception de l’Etat chère au grand capital, qui cherche entre autres à augmenter ses bénéfices en réduisant sa charge fiscale. A Neuchâtel, le poids de l’impôt repose avant tout sur le revenu des personnes physiques (travailleurs), qui représente 67% du total des revenus fiscaux du canton. L’impôt sur les bénéfices et le capital des personnes morales (entreprises) ne représente, quant à lui, que le 20% du total. Les travailleurs payent déjà trois fois plus d’impôts que les patrons, mais les riches veulent payer moins d’impôts encore! Et quand nous parlons de justice fiscale et d’une charge plus équilibrée pour les patrons, on crie au chantage.

Pourtant le problème est simple: pour le fonctionnement de l’Etat (éducation, santé, justice, loyers, véhicules, entretien des biens publics, etc.), nous avons besoin d’argent, de recettes qui proviennent principalement de l’impôt mais aussi des transferts de la Confédération, des compensations diverses, des revenus financiers et d’autres revenus. Ces derniers ne vont pas augmenter. La solution du Conseil d’Etat, c’est dès lors la diminution des coûts. C’est la politique néfaste du frein aux dépenses, toujours aux dépens des travailleurs, des démunis et de l’ensemble de la société neuchâteloise, qui se voit imposer la perte d’importants acquis, d’infrastructures stratégiques et de services vitaux (école d’ingénierie, conservatoire, hôpital).

Cependant, ni le Conseil d’Etat ni les partis de droite ne s’interrogent sur l’autre solution possible: l’augmentation des recettes. Les travailleurs sont déjà dans le pétrin et une augmentation de leurs impôts n’est pas envisageable, mais les entreprises et les millionnaires pourraient contribuer un peu plus. L’impôt sur le capital en 2014 a rapporté 9.6 millions, une somme ridicule! L’impôt sur le bénéfice des entreprises a été de 214 millions, alors que les travailleurs ont payé 683 millions d’impôts sur le revenu et d’impôt à la source. Ce déséquilibre met le canton en danger et la solution du Conseil d’Etat de diminuer les coûts sur le dos de la population empire les choses.

Il faut aussi comprendre que, pour trouver une bonne solution, il faut être unis. La mobilisation d’un seul secteur de travailleurs n’est pas suffisante. Tous les fonctionnaires touchés par les mesures d’austérité doivent lutter ensemble, ainsi que les familles qui sont concernées par la diminution des prestations. Les étudiants pourraient eux aussi exprimer leur mécontentement. L’ensemble de la population doit défendre ce qui a été construit par les efforts de plusieurs générations. Une manifestation est d’ores et déjà prévue le 26 novembre à 11h (lieu encore à définir). Ce sera l’occasion de le faire.