Pas le moment de battre en retraite

Spécial 8 mars • Les chambres fédérales ont repris cette semaine le dossier des retraites, un projet qui pénalisera en premier lieu les femmes. La gauche radicale s’oppose aux différents compromis qui se dessinent.

Partout en Europe, l’introduction de la retraite payée a été une des conquêtes sociales les plus importantes de la classe ouvrière, de ses hommes et de ses femmes. Partout en Europe, cette conquête est aujourd’hui attaquée par ses adversaires de toujours: les caisses d’assurances privées, soutenues par les différents partis bourgeois. En Suisse, ce grand démantèlement porte le nom de «prévoyance vieillesse 2020» (PV2020), discuté actuellement aux Chambres fédérales. Le projet ne fait pas encore l’objet d’un consensus entre le Conseil national et le Conseil des États, mais les Chambres s’accordent déjà sur l’essentiel: le taux de conversion du 2e pilier passera de 6,8% à 6% (ce qui impliquera une baisse des rentes) et l’âge de la retraite des femmes augmentera de 64 à 65 ans.

De quelle égalité parle-t-on?
Une chose était particulièrement frappante dans les débats du Conseil national sur PV2020 mardi dernier. Tant le conseiller fédéral Alain Berset, initiateur de le réforme, que des conseillers nationaux et des conseillères nationales de droite (comme Isabelle Moret, du PLR), se sont plusieurs fois permis de parler d’«égalité» en évoquant l’augmentation de l’âge de la retraite des femmes. Clarifions d’emblée les choses: les femmes ont toujours été désavantagées par le système suisse de prévoyance vieillesse depuis l’introduction des trois piliers.

En effet, en raison notamment des interruptions de travail pour s’occuper des enfants, ou du temps partiel, seules 57% des femmes touchent une rente LPP et elle est en moyenne 45% inférieure à celle des hommes. Ne venez donc pas nous parler d’égalité dans l’âge du départ à la retraite: l’égalité, nous ne la connaissons ni dans le monde du travail, où nous continuons à être moins payées que les hommes, ni dans le monde qui nous attend après le travail. Appelons les choses par leur nom: augmenter l’âge de la retraite des femmes, c’est faire une économie de plus d’un milliard de francs par année sur le dos des femmes travailleuses. Point.

Des divisions qui affaiblissent l’opposition
La stratégie du camp bourgeois devient familière: concentrer les débats sur des divergences secondaires pour cacher la véritable nature de la réforme et créer ainsi des divisions parmi les opposantes et les opposants. Dans le cas qui nous occupe, c’est le Conseil des Etats qui joue le rôle du «modéré», en proposant notamment de renoncer à la suppression de la rente de veuve et d’augmenter les rentes AVS de 70 francs par mois (uniquement pour les nouveaux retraités et les nouvelles retraitées!) de manière à «compenser» la baisse des rentes LPP. Et cela semble fonctionner, puisque même les femmes socialistes se sont mises à défendre la variante du Conseil des Etats, c’est-à-dire à accepter l’augmentation de l’âge de la retraite des femmes en échange de quelques maigres «compensations» (qui pourraient d’ailleurs être remises en question à tout moment)!

De la même manière, dans une newsletter envoyée après le débat de mardi au Conseil national, la secrétaire dirigeante de l’Union syndicale suisse en charge des assurances sociales Doris Bianchi se plaignait que «si le Conseil national s’obstine, la réforme PV 2020 échouera». Mais tant mieux! C’est bien ça que nous voulons! Pourquoi des dirigeant-e-s censé-e-s représenter l’intérêt des travailleuses et des travailleurs s’acharnent-ils à vouloir sauver une réforme qui ne sert que les intérêts du patronat et des caisses de pension?

L’avenir de nos retraites se jouera dans la rue
Pour le Parti suisse du Travail – POP en revanche, il est clair que les petits jeux politiciens auxquels se livrent les parlementaires ne permettront dans le meilleur des cas que de sauver temporairement quelques miettes. Le vrai combat contre le démantèlement de nos retraites se jouera dans la rue, avec les forces sociales et syndicales. Le PST-POP a confirmé récemment qu’il s’opposerait aux deux versions de PV2020 en lançant ou en participant au lancement d’un référendum.

Une victoire contre cette réforme ouvrirait également la voie pour repenser notre système de retraites et pour consolider l’AVS, en y intégrant progressivement le deuxième pilier qui est effectivement en péril. Pour la droite, dans tous les domaines, «l’évolution de la société» justifie les pires régressions sociales. Nous voulons au contraire faire évoluer la société différemment. Le 8 mars est une journée de lutte. Et la lutte pour des retraites populaires est prioritaire aujourd’hui pour les femmes de Suisse.