Le vote Mélenchon, un acquis à faire fructifier

France • Avec 19,58% et 7 millions de voix, le candidat de la France insoumise, soutenu par le PCF et Ensemble! réalise un score inédit pour la gauche de transformation sociale depuis des décennies. Un «élan» à amplifier, pour ses soutiens (Julia Hamlaoui, paru dans L’Humanité).

Le candidat de la France Insoumise arrive en tête chez les inactifs, hors retraités, et progresse de presque 10 points chez les ouvriers par rapport à 2012.

La marche a été trop haute, d’un peu moins de 620’000 voix seulement. Avec 19,58% des suffrages exprimés et 7 millions d’électeurs, selon les chiffres définitifs du ministère de l’Intérieur, Jean-Luc Mélenchon a réalisé un score bien au-delà de celui de 2012, 11,1% et 4 millions de voix. Un résultat sans comparaison avec ceux des trois dernières décennies pour la gauche de transformation sociale.

Passée la déception de la non-qualification, l’heure était à nouveau, pour ceux qui ont contribué à ce résultat, à se tourner vers l’avenir. Et à ne pas laisser s’effacer le sens d’une telle dynamique. L’un «des big bangs de cette élection», selon le porte-parole du PCF, Olivier Dartigolles, qui se réjouit que la «recomposition politique à gauche puisse enfin se construire sur l’idée de transformation sociale». La campagne menée a aussi «redonné de la dignité à beaucoup de gens qui ne voulaient pas aller voter et qui se sont engagés. Quelque chose de nouveau a émergé», estime le porte-parole de Jean-Luc Mélenchon, Alexis Corbière.

Forte progression chez les ouvriers
Une nouveauté qui cristallise les exigences de tout un monde. «C’est vraiment un vote social», relève Frédéric Dabi, le directeur général adjoint de l’Ifop. Selon une étude de son institut, réalisée pour Paris Match, CNews et Sud Radio, parmi les enjeux déterminants de leur vote, 76% des électeurs de Mélenchon citent «le relèvement des salaires et du pouvoir d’achat», 71% la «lutte contre le chômage» et 70% la «lutte contre la précarité».

Au-delà des motivations de leur choix, les catégories sociales des électeurs sont aussi riches d’enseignements. Le candidat de la France insoumise (FI) arrive même en tête chez les inactifs, hors retraités (25%, contre 23% pour Le Pen, 20% Macron, 17% Fillon) et se place deuxième chez les ouvriers et employés avec 24% (34% pour Le Pen, 16% Macron). Le candidat FI «a fortement progressé chez les ouvriers avec presque dix points de plus que ce qu’il obtenait en 2012», souligne Frédéric Dabi. Autre traduction: 4% des électeurs FN de 2012 se sont prononcés, cette fois, pour Mélenchon. «Cela paraît peu, mais ça fait presque un point», commente le sondeur.

Mais c’est avant tout dans l’électorat PS traditionnel que le candidat fait une percée: «Le fait symbolique est qu’il draine 26% de l’électorat de François Hollande de 2012», souligne l’analyste de l’Ifop. «Ce qui est remarquable, c’est le score réalisé dans les villes et quartiers populaires», relève également Clémentine Autain, porte-parole d’Ensemble! S’il arrive en tête en Dordogne, dans l’Ariège, en Martinique, en Guyane et à La Réunion, le candidat réalise, avec 34%, son meilleur score, en Seine-Saint-Denis, département à la fois populaire et à présidence socialiste. Il y dépasse les 40% dans nombre de municipalités communistes. «La mobilisation de la force communiste, ses militants et ses élus, a contribué très fortement à la dynamique», apprécie Olivier Dartigolles. «Un mouvement s’est levé, nous devons lui donner de l’élan», ajoute Clémentine Autain.

La composition de l’Assemblée nationale loin d’être écrite
Et la question des prochaines élections législatives apparaît déterminante. Avec les quatre candidats arrivés en tête dimanche oscillant entre 19,6% et 24%, la composition de la future Assemblée nationale est loin d’être écrite. «La France insoumise va continuer son travail», promet Manuel Bompard, le directeur de campagne de Jean-Luc Mélenchon. Entre les formations qui ont soutenu le fondateur de la FI à la présidentielle, les législatives cristallisent néanmoins les tensions avec, pour l’heure, de multiples candidats déclarés dans la plupart des circonscriptions. À l’issue du vote, le PCF a renouvelé son appel au rassemblement à la gauche qui veut «rompre avec les politiques qui ont échoué»: «La prochaine bataille électorale peut nous permettre de faire rebondir l’espoir de la présidentielle et d’obtenir des résultats encore plus élevés», argue Olivier Dartigolles. «Il faut élire un maximum de députés capables de tenir tête à Emmanuel Macron, s’il est élu président, et aux mauvais coups sociaux et environnementaux qu’il prépare», a pour sa part résumé Clémentine Autain sur les réseaux sociaux.

«Pas une voix pour le FN»
Avant les échéances de juin, reste le second tour de la présidentielle. Cette semaine, les près de 450’000 «appuis» de la FI recensés sur le site JLM2017 sont appelés à se prononcer sur la consigne de vote qu’ils souhaitent voir adopter. Une chose est claire, d’ores et déjà. La réponse aux lieutenants de Marine Le Pen, qui font des appels du pied aux électeurs de Mélenchon: «Pas une voix pour le FN». «Quelqu’un qui va voter Marine Le Pen se trompe, parce que ça n’est pas avec la xénophobie que l’on va régler le problème», a rétorqué Alexis Corbière sur RMC.

Lui, à titre personnel, ira voter le 7 mai, «il va y avoir plusieurs attitudes et elles sont toutes dignes», estime-t-il. Mais, quoi qu’il en soit, répète le porte-parole, «il faut que tout le monde comprenne bien que nous n’aurons rien à voir avec Emmanuel Macron s’il est élu président». Le PCF, lui, a, dès le soir du premier tour, appelé à voter pour empêcher la victoire de Le Pen, mais pas question, là non plus, de signer un chèque en blanc. «Si, face au macronisme, il n’y a pas une gauche qui continue à se lever, à se refonder sur l’idée de transformation sociale et écologique, prévient Olivier Dartigolles, le coup d’après, le FN peut être encore plus haut.»