Monsanto sous l’œil de la société civile

Agro-Industrie • La cinquième marche internationale contre Monsanto aura lieu le 20 mai, alors que la multinationale vient d’être jugée à La Haye par un tribunal international citoyen.

«Marchons contre toutes les multinationales de l’agrochimie, qui nous empoisonnent. Marchons pour une agriculture moderne et écologique, durable, résiliente et respectueuse de l’homme comme de l’environnement», clame l’appel à manifester de Greenpeace. Le 20 mai, une marche internationale contre Monsanto se tiendra pour la cinquième année consécutive. En Suisse, des manifestations auront lieu à Morges et à Bâle, (également contre Syngenta).

L’événement a lieu alors que la multinationale de l’agroalimentaire vient d’être jugée à La Haye par un tribunal international citoyen. Du 16 au 18 octobre 2016, cinq magistrats professionnels de renommée internationale, parmi lesquels Françoise Tulkens, juge à la Cour européenne des droits de l’homme pendant 14 ans, ont auditionné une trentaine de témoins, d’experts, de victimes et d’avocats. Invitée à être entendue ou à se prononcer par écrit, Monsanto a décliné la proposition.

Des tentatives de manipulation de la science

Le tribunal a rendu son verdict à la mi-avril sous la forme d’un «avis juridique consultatif» d’une soixantaine de pages. Sur la base du droit international des droits de l’homme et humanitaire, les juges y accusent la multinationale d’atteinte au droit à un environnement sûr, propre, sain et durable, d’atteinte au droit à l’alimentation, d’atteinte au droit au meilleur état de santé, d’atteinte à la liberté de la recherche scientifique et la jugent coupable de crime d’écocide.

Nombre des témoins entendus ont pointé les effets néfastes du gylphosate, contenu dans l’herbicide Roundup, sur la santé humaine ainsi que sur les plantes et les sols, provoquant notamment une baisse de leur productivité. La contamination des eaux par l’herbicide a également été critiquée. La substance, déclarée en mars 2015 «probablement cancérogène» par le Centre international de recherche sur le cancer de l’OMS (CIRC) a fait l’objet d’autres études aux conclusions contraires, qui font toutefois l’objet de controverses.

Le Tribunal signale ainsi «sa préoccupation quant à l’indépendance des études», et relate plusieurs témoignages de pressions subies par des scientifiques de la part de la firme ou la proximité de certains auteurs avec elle. «Des documents internes à Monsanto, rendus publics en mars 2017, montrent que les affirmations de longue date de la part de Monsanto concernant l’innocuité de son produit le plus vendu, le Roundup, ne reposent pas sur une base scientifique solide, comme l’assure l’entreprise, mais sur des tentatives de manipulation de la science», peut-on encore lire.

Forcés à payer des royalties
«La baisse de la fertilité et la réduction de la diversité des sols ainsi que la contamination de certaines exploitations agricoles par les OGM», a également été dénoncée par des témoins, tout comme la tentative de Monsanto «d’établir un monopole sur le marché des semences», notamment en Inde. D’autres ont également raconté que les rendements promis grâce à l’utilisation d’OGM n’ont pas été atteints, et critiqué la réduction de la biodiversité et la perte de savoirs traditionnels liée à l’utilisation de semences OGM en monocultures.

Le rapport signale également «le cas d’agriculteurs n’ayant ni acheté ni utilisé les semences de Monsanto, mais dont les cultures ont tout de même été contaminées par les semences OGM. Dans un certain nombre de cas, ils se sont vus forcés de payer des royalties à Monsanto et ont également été privés du droit de vendre leurs produits avec la certification bio ou sans OGM». «Les brevets sur les semences sont en contradiction avec le principe du droit à l’alimentation qui garantit l’accès à la nutrition, un besoin fondamental pour chaque être humain», juge le Tribunal.

Faire évoluer le droit international
Si leurs conclusions n’ont aucune valeur contraignante, l’objectif des juges de La Haye est «de contribuer à une évolution progressive du droit international des droits de l’homme, en proposant de nouvelles voies légales concernant la responsabilité des entreprises et de nouveaux concepts tels que le crime international d’écocide, entendu comme le fait de porter gravement préjudice à l’environnement ou de le détruire». Le tribunal propose d’intégrer ce crime dans le cadre du droit pénal international. Une façon, en somme de tenter de faire avancer les choses plus concrètement, au-delà des manifestations qui se multiplient chaque année. Les juges ajoutent à ce titre qu’«il est intéressant de noter que 15 septembre 2016, la procureure de la Cour pénale internationale a décidé d’inclure les enjeux environnementaux dans le champ de ses investigations».

La multinationale rejette sans surprise toutes les accusations, qu’elle estime «orchestrées par un groupe restreint d’opposants à Monsanto et aux technologies agricoles qui se sont érigés en organisateurs, juges et parties», dans des propos recueillis par Le Monde.
Avec le récent rachat de Syngenta par Chemchina, trois leaders se partagent dorénavant le marché mondial de semences et pesticides. Dow-Dupont, Bayer-Monsanto et ChemChina-Syngenta.

https://marche-contre-monsanto.ch