Le démantèlement postal se précise

Suisse • La Poste poursuit son démantèlement du réseau postal dans les cantons de Vaud et du Jura, tout en le présentant comme un progrès! Les réactions sont vives du côté de Syndicom ou du comité vaudois «Touche pas à ma poste», qui a présenté ses revendications devant la presse.

Andrea Eggli, d’ACIDUS, Christophe Grand et Marc Oran, du POP et Philippe Morerod, de Syndicom, ont exposé les revendications de «Touche pas à ma poste» (JMr).

La Poste a rendu publique mercredi sa vision du «réseau postal du futur» dans les cantons de Vaud et du Jura. «Le développement du réseau postal se poursuit», lit-on en introduction des deux communiqués diffusant l’information, qui rappellent l’intention de la poste «d’élargir son réseau de manière à proposer plus de 4000 points d’accès dans toute la Suisse d’ici 2020».

Derrière ces belles formules de communication que La Poste s’obstine à utiliser depuis son annonce, en octobre dernier, de la suppression de 500 à 600 offices sur 1400 au niveau suisse, c’est bien la réduction drastique des offices postaux traditionnels qui se précise. Ainsi, sur les 31 offices que compte actuellement le Jura, seuls 16, soit la moitié, sont garantis, et ce «au moins jusqu’en 2020». Comprendre: sans garantie pour la suite. Dans le canton de Vaud, 78 filiales sont garanties au moins jusqu’en 2020 sur les 127 actuelles, soit 49 en moins.

Le sort des offices en sursis «sera examiné minutieusement au cas par cas», assure La Poste. Et en compensation, 5 à 7 «points d’accès» seront ouverts dans le Jura et une quinzaine dans le canton de Vaud. Les filiales dans des commerces existants (pharmacie ou autre) seront privilégiées. «Pour l’organisation de son réseau, la Poste recherche toujours, par une combinaison de points d’accès, la meilleure desserte postale pour la région», enjolive La Poste.

La position du Conseil national ignorée
Du côté du gouvernement jurassien, les belles paroles postales ne semblent cependant guère faire illusion. Ainsi, celui-ci a manifesté ses «regrets» et son «inquiétude», notamment par rapport aux 17 emplois menacés selon lui par la fermeture des offices mentionnés. Il demande à La Poste de tout faire pour éviter ces licenciements. «Le redéploiement de la Poste dans les services numériques ne doit pas servir de prétexte à une concentration de ses activités dans certaines régions du pays et à un retrait progressif de certains cantons», déplore-t-il encore.

Du côté de Syndicom également, la réaction est vive. «Cette communication arrive une semaine seulement après que le Conseil national s’est prononcé – par 172 voix contre 13- contre le démantèlement actuel, montrant ainsi clairement sa volonté de maintenir une offre de service complète et un réseau bien développé. Or, il semble que la direction de La Poste ignore cette décision», fustige le syndicat dans un communiqué.

Dans le cadre d’une conférence de presse donnée mercredi à Lausanne par le comité vaudois «Touche pas à ma poste», son secrétaire régional Philippe Morerod a également émis des craintes quant à la suppression d’emplois. Pour rappel, la Poste avait annoncé fin 2016 que 1200 personnes seraient touchées au niveau Suisse par ses décisions de restructuration. Pour Vaud, cela pourrait concerner 200 à 250 personnes, évalue le syndicaliste. Et de critiquer la solution consistant à ouvrir des filiales dans des commerces existants. Cela représente une forme de sous-traitance et «sert avant tout à réaliser des économies», estime-t-il, soulignant les faibles montants accordés aux commerces en comparaison avec les tâches assumées. Celui-ci se dit également déçu du manque de réaction du Conseil d’Etat vaudois, alors même que «Vaud est très touché en comparaison avec d’autres cantons».

«Touche pas à ma poste» en mode combat
Le comité «Touche pas à ma poste» récemment constitué dans le canton de Vaud et qui regroupe Syndicom, le POP Vaud et l’association de défense des services publics ACIDUS annonce d’ores et déjà une série d’actions telles qu’une marche symbolique dans l’Ouest lausannois et de futures manifestations au niveau national. Une interpellation demandant les intentions du Conseil d’Etat vaudois a également été déposée par le député Marc Oran. Enfin, la pétition lancée par le POP a déjà récolté 8000 signatures, alors qu’une autre pétition lancée par Syndicom au sein du personnel de la poste en a récolté 3500.

«Nous recevons de nombreuses remarques indignées, déplorant notamment la suppression d’offices et de personnel alors que la Poste annonce des bénéfices et sa directrice reçoit un salaire mirobolant», a souligné le secrétaire cantonal du POP Christophe Grand. Et de critiquer également l’ouverture de filiales dans des commerces privés. «Les prestations y sont moindres que dans les offices en quantité et en qualité, avec un personnel sous-formé et sous-payé».

Le comité revendique l’arrêt immédiat du démantèlement des offices et le respect de la Constitution fédérale, un office postal par tranche de 5000 habitants (et non 20’000, comme le veut la direction de La Poste), la préservation du personnel et la gestion de la poste en tant que service public et non comme une entreprise privée. «Si on laisse mourir la poste, les tenants d’une vision néolibérale n’hésiteront pas à faire de même avec d’autres services publics», a conclu Andrea Eggli, d’ACIDUS.